La saisie conservatoire est mesure provisoire très rapide qui peut être exercée avant toute procédure de recouvrement et donc, sans titre exécutoire.
Elle empêche tout débiteur de diminuer son patrimoine, ou de créer son insolvabilité, en vendant ses biens de valeur pour les soustraire à ses créanciers.
Le but de la saisie conservatoire est d’offrir au créancier une garantie sur sa créance en rendant les biens d’un débiteur indisponibles.
Le débiteur conserve le droit de jouir de ses biens, mais il ne peut faire aucun acte de disposition (vente) sous peine de poursuites pénales.
Cette mesure est très efficace mais aussi très encadrée. Le créancier devra respecter des conditions de forme et de fond avant de l’exercer.
Les biens pouvant faire l’objet d’une saisie conservatoire
L’ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011, ayant réformée les procédures d’exécution a créé l’article L.521-1 du code des procédures civiles d’exécution selon lequel, « La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur. Elle les rend indisponibles ».
Les meubles corporels sont des biens que l’on peut « toucher » et « transporter » comme les véhicules, les objets et tous les « meubles meublants » tels que le lit, le canapé, le bureau…
Par opposition, les meubles incorporels sont des biens qui ont de la valeurs et que l’on ne peut ni « toucher » ni « transporter », comme les brevets, les obligations et les valeurs émises par les sociétés, les clientèles, un droit au bail, les droits de propriété intellectuelle…
Le créancier ne peut pas faire de mesure conservatoire sur l’ensemble des biens du débiteur, l’indisponibilité d’un, ou plusieurs, biens est limitée au montant de la créance.
Cependant, un même bien peut faire l’objet de plusieurs saisies conservatoires de la part de plusieurs créanciers (d’où l’importance pour eux d’inscrire leur droit le plus rapidement possible).
L’autorisation du juge de l’exécution
Aux termes de l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement ».
Le créancier dont la créance est menacée doit saisir le Juge de l’Exécution (JEX) du domicile du débiteur pour qu’il autorise la mesure conservatoire.
À savoir :
L’article L.511-3 du code des procédures civiles d’exécutions, précise que l’autorisation devra être donnée par le président du tribunal de commerce lorsque la créance est de nature commerciale.
Le juge, saisi sur requête motivée, rend sa décision sans débat contradictoire.
Le débiteur n’est pas informé de la démarche engagée par le créancier. Il s’agit de jouer sur l’effet de surprise pour empêcher le débiteur de se défaire du bien avant sa saisie.
Avant de donner son autorisation, le juge de l’Exécution devra cependant vérifier la validité de la créance.
Une créance fondée en son principe
La mesure conservatoire peut être exercée avant l’obtention d’un titre exécutoire, mais cela ne dispense pas le créancier de démontrer la réalité de sa créance.
Elle n’a pas à être liquide et exigible, mais elle doit cependant être fondée en son principe.
Une créance apparaît fondée en son principe lorsqu’elle n’est pas sérieusement contestable.
Le juge doit indiquer le montant des sommes garanties par la mesure conservatoire ainsi que la nature du ou des biens sur lesquels porte la mesure.
Une créance dont le recouvrement est menacé
La mesure conservatoire n’est envisageable que si des risques sérieux pèsent sur le recouvrement de la créance, tel que l’impossibilité notoire pour le débiteur de payer ses dettes, ou son silence prolongé après une mise en demeure.
Il appartient donc au créancier de justifier en quoi la créance serait menacée.
La durée limitée de la mesure conservatoire
Une fois que l’autorisation judiciaire a été délivrée, l’huissier de justice a 3 mois pour exécuter la mesure conservatoire.
Après ce délai il ne pourra plus l’exercer.
L’obtention d’un titre exécutoire à bref délai
Selon l’article L. 511-4 du code des procédures civiles d’exécution , le créancier doit saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire dans le mois suivant la mesure exécutoire.
À défaut, la mesure sera caduque au bout d’un mois et le débiteur retrouvera la libre disposition de son bien.
Certains créanciers seront dispensés de demander l’autorisation du juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
La dispense d’autorisation judiciaire
L’article L.511-2 du code des procédures civiles d’exécution, prévoit que le créancier sera dispensé de l’autorisation du Juge de l’Exécution s’il dispose au moins :
- D’un titre exécutoire
- D’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
- D’une lettre de change acceptée
- D’un billet à ordre
- D’un chèque
- D’un contrat de bail écrit
Il suffira au créancier de produire son titre auprès d’un huissier de justice qui exercera la saisie conservatoire.
À savoir :
Il n’est pas rare qu’un créancier muni d’un titre exécutoire fasse une mesure conservatoire plutôt que d’engager des poursuites. Cela lui permet de se ménager un effet de surprise en bloquant les biens du débiteur placé devant le fait accompli, ce que ne permet pas l’envoi d’un commandement de payer.
Le créancier étant en possession d’un de ces titres, n’est pas limité dans le temps pour obtenir un titre exécutoire, mais il le sera pour exercer la mesure exécutoire. Il ne peut pas rendre les biens du débiteur indisponibles indéfiniment.
Le procès verbal de la saisie conservatoire
Que la saisie conservatoire soit autorisée parle juge ou non, l’huissier de justice devra dresser un acte de saisie dans les conditions prévues à l’article R. 522-1 du code des procédures civiles d’exécution.
L’acte de saisie doit contenir à peine de nullité :
- la mention de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie,
- la désignation détaillée des biens saisis,
- si lé débiteur est présent, sa déclaration au sujet d’une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens,
- la mention en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est dans certains cas et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procèderait à une nouvelle saisie sur les mêmes biens,
- la mention en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile,
- la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations notamment celles relatives à l’exécution de la saisie,
- l’indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l’acte.
À savoir :
La saisie peut avoir lieu même si les biens sont entre les mains d’un tiers, ou s’ils ont fait l’objet d’une précédente saisie conservatoire
L’huissier de justice procédera à la signification de la mesure au tiers-saisi et en informera, dans un délai de huit jours, le débiteur.
Les voies de recours du débiteur
Les articles R.512-1 et suivants du code des procédures d’exécution accorde au débiteur la possibilité de contester la saisie conservatoire en demandant la mainlevée de la mesure.
Si la mesure était exercée sur l’autorisation du Juge de l’exécution (ou du président du tribunal de commerce), le débiteur devra saisir le juge qui a accordé la saisie.
Si la mesure faisait suite à un titre, et donc sans autorisation du juge, le débiteur devra saisir le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande instance situé dans le ressort de son domicile.
Le débiteur pourra motiver son recours sur le caractère abusif et disproportionné de la saisie. Il lui appartiendra notamment de prouver que la créance n’était pas menacée.
Les risques de poursuites pénales encourues par le débiteur
Le débiteur qui vendrait vend ses biens frappés d’une saisie conservatoire se rend coupable du délit de détournement d’objets saisis (article 314-6 du code pénal).
Si les biens ont été confiés à un tiers (le garage en cas de saisie d’un véhicule…), le débiteur qui en reprend possession se rendra coupable de vol (article 311-1 du code pénal).
S’il les a soustraits au créancier en les cachant chez un tiers, ces derniers pourront également être poursuivis pour recel ou complicité.
Concernant les suites de la procédure d’exécution:
De manière générale, la mesure conservatoire est le premier acte de la procédure de recouvrement. Le créancier pourra faire une conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente et obtenir le remboursement de sa créance sur le produit de la vente.