S’il est une créance à laquelle nul ne peut échapper, c’est bien la créance d’aliments. Communément appelée « pension alimentaire », ce terme générique recouvre en réalité plusieurs obligations distinctes.
Si une décision de justice (Jugement de divorce, Ordonnance de non conciliation…) condamne votre conjoint, ou ex-conjoint à vous verser une somme au titre d’une pension alimentaire, d’une prestation compensatoire, d’une contribution aux charges du mariage… Cela signifie que vous êtes un créancier bénéficiaire d’une créance d’aliments sur votre conjoint, ou ex conjoint, qui est votre débiteur.
Si le débiteur qui ne peut pas payer pour des motifs légitimes (changement de situation…) il devra saisir le JAF pour faire réviser le montant de l’obligation alimentaire. A défaut, il sera considéré comme un débiteur récalcitrant voire, de mauvaise foi.
Les créances d’aliments étant privilégiées, le débiteur ne peut s’y soustraire. En cas de non-paiement, de paiement irrégulier ou incomplet constaté depuis plus de 1 mois, plusieurs solutions s’offrent au créancier pour exécuter le paiement forcé des sommes dues.
Le paiement direct
Mise en place du paiement direct
Le paiement direct permet au créancier d’obtenir le versement de la pension alimentaire d’un tiers qui détient des fonds appartenant au débiteur. Ce tiers est en principe le banquier ou l’employeur du débiteur.
L’intérêt de cette procédure est d’obtenir le paiement de sommes non payées sur les 6 derniers mois et de mettre en place un virement pour les échéances à venir sans avoir à exercer de procédure judiciaire.
Elle peut être mise en œuvre si le créancier possède un titre (décision de justice définitive, ou exécutoire) et qu’il ne parvient pas à se faire payer.
À noter :
Le créancier doit démontrer qu’il a tout tenter pour recouvrer les sommes dues.
Les frais de procédure sont à la charge du débiteur.
En cas de contestation, le juge compétent est celui du Tribunal d’Instance du domicile du débiteur.
La procédure :
La procédure est encadrée par la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973, la loi du 11 juillet 1975 (codifiée à l’article 214 du code civil) et le décret 73-216 du 1er mars 1973. Le créancier devra s’adresser à un huissier du lieu de son domicile et lui apporter :
- Une copie de la décision condamnant le débiteur à l’obligation alimentaire
- Un décompte précis des sommes dues
- Tous les renseignements utiles sur le débiteur (identité, adresse, employeur, établissement bancaire…).
En principe, le débiteur à l’obligation d’informer le créancier de tous changement d’adresse. Mais si les informationss’avéraient fausses ou lacunaires, l’huissier aura les moyens de retrouver le débiteur récalcitrant (Administration fiscale, sécurité sociale, Fichier National des Chèques Irréguliers (FNCI), les fichiers départementaux des cartes grises des préfectures).
L’huissier a 8 jours pour notifier au banquier la demande de paiement direct et en avisera le débiteur par lettre recommandée.
Le tiers débiteur, l’employeur ou le banquier, devra verser chaque mois entre les mains du créancier le montant de la pension alimentaire. Si le débiteur clôturait son compte, que la provision était insuffisante, ou qu’il changeait d’emploi, le banquier ou l’employeur a 8 jours pour en informer le créancier.
En cas d’inexécution, le tiers débiteur (banquier ou employeur) encourt une amende de 1 500 euros (le double en cas de récidive).
La fin du paiement direct :
La fin de la procédure intervient quand la pension alimentaire cesse d’être due, notamment quand les enfants sont devenus majeurs (sauf s’il suit des études…) ; ou qu’un nouveau jugement constate l’indigence du débiteur et supprime l’obligation alimentaire.
Dans ce cas:
– Soit le débiteur se fait délivrer par huissier un certificat attestant que la pension cesse d’être due et le présente au tiers saisi.
– Soit l’huissier du créancier notifie une main levée par courrier recommandé au tiers saisi.
Le créancier ne pourra plus se prévaloir d’une ancienne décision pour effectuer un paiement direct. S’il le faisait il s’exposerait à une amende de 3 000 euros.
A noter :
Le paiement direct peut être mis en place à l’amiable, avec l’accord du débiteur, dès le premier rendez-vous chez le JAF qui homologuera l’accord sur l’ordonnance de non conciliation. Il suffira alors de signifier la décision à l’employeur ou au banquier.
La saisie des rémunérations (saisie sur salaires)
Toute la procédure de la saisie sur salaires est détaillée sur une page dédiée.
Mais il était nécessaire d’en faire mention, car elle peut valablement être mise en œuvre pour recouvrer les arriérés créances alimentaires.
Le principe est que les sommes sont saisies entre les mains d’un tiers, qui est l’employeur du débiteur. Cela ressemble donc à la procédure de paiement direct, sauf que :
– Le recouvrement ne peut porter que sur les arriérés de pension alimentaire.
– Il est impossible de mettre en place un paiement régulier pour les échéances à venir.
Cependant, contrairement au paiement direct, cette procédure permet de recouvrer les créances dues depuis plus de 6 mois et ce, dans la limite de la prescription soit, 5 ans.
Le recouvrement par le trésor public
Peu connue et peu pratiquée, cette procédure mise en place par la loi n°75-618 du 11 juillet 1975 est imparable. Elle fait intervenir le procureur de la République et permet aux comptables du Trésor public de recouvrer la créance en usant des mêmes procédures que pour recouvrir l’impôt (Avis à tiers détenteur...).
La procédure à un caractère subsidiaire. Donc, pour la mettre en œuvre le créancier devra démontrer que toutes ses tentatives pour recouvrer les sommes dues ont échoué (paiement direct, saisie rémunération, saisie vente…).
Le créancier a 5 ans à compter du dernier paiement pour engager la procédure. Mais il ne pourra recouvrer que les arriérés dus au cours des 6 derniers mois.
La procédure
Une demande doit être adressée au procureur de la République du Tribunal de Grande Instance du domicile du créancier par courrier recommandé.
La demande doit être assortie :
- d’une copie de la décision (jugement définitif, ordonnance exécutoire..),
- de la signification de la décision au débiteur
- d’un certificat de non-appel
- de tous documents établis par l’huissier prouvant l’échec de tous les moyens entrepris pour recouvrer la créance
- de tous les renseignements concernant le débiteur (identité, employeur, compte bancaire, numéro de sécurité social…)
- de la lettre de demande de recouvrement adressée par le trésorier public au procureur de la République avec le montant précis des sommes dues
Le procureur de la République informe le créancier s’il consent à la demande. Dans l’affirmative il notifie au débiteur, par lettre recommandée avec avis de réception, doublée d’une lettre simple, la procédure en cours et l’avise qu’il devra se libérer des sommes dues entre les mains du comptable du Trésor public.
Toutes les administrations, les services de l’État, les collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales devront transmettre au comptable du Trésor Public toutes les informations utiles au recouvrement public de la créance.
À noter :
Une fois acceptée, le créancier ne peut plus exercer d’autres procédures de recouvrement.
La procédure est gratuite pour le créancier, mais le comptable du Trésor fera payer 10% des sommes dues au débiteur à titre de remboursement des frais de recouvrement.
Contestation de la procédure
Le débiteur pourra contester la procédure de recouvrement en envoyant un courrier recommandé au procureur de la République précisant les motifs de sa contestation ( il pourra faire valoir que tous les moyens de recouvrement n’ont pas été mis en œuvre par le créancier, ou qu’un nouveau jugement était intervenu en sa faveur entre temps…).
Le procureur devra transmettre la contestation au Président du tribunal de Grande Instance qui statuera sur la demande dans les 15 jours.
En cas de mauvaise foi avérée du créancier, le président du tribunal pourra le condamner à une amende civile d’un montant de 3 000 euros.
Fin de la procédure
Elle aura lieu d’office en cas de :
- Décès du débiteur
- Impossibilité de recouvrer les créances
- Renonciation du créancier à la procédure
Le procureur de la République mettra fin à la procédure de recouvrement public et déchargera le comptable du Trésor.
En cas de nouvel incident de paiement, le créancier pourra à nouveau saisir le procureur de la République pour bénéficier de la procédure de recouvrement public.
Le recouvrement par la Caisse d’Allocation Familiale
Le choix de la CAF pour recouvrir les créances alimentaires n’est pas anodin. D’une part c’est elle qui pallie aux manquements du débiteur en versant des allocations. Et d’autre part, il arrive bien souvent, que le débiteur bénéficie lui aussi de prestations familiales. Ce qui fait de la CAF un intervenant privilégié pour retrouver le débiteur et recouvrer la créance.
Elle pourra agir sous forme de compensation ou, si les sommes sont trop importantes, procéder au recouvrement forcé.
La procédure est encadrée aux articles L 581-1 à L 581-10 et R 581-1 à R 581-9 du code de la sécurité sociale et le décret n° 86-1073 du 30 septembre 1986.
Le recouvrement se fait en deux temps avec le versement de l’Allocation de Soutien Familial au créancier à titre d’avance sur les pensions dues et la poursuite du débiteur.
Le versement de l’Allocation de Soutien Familial
Elle peut être versée au créancier d’aliments si :
- Le créancier possède un titre exécutoire fixant une pension alimentaire.
- Pour les couples non mariés, la CAF demandera à l’allocataire élevant seul ses enfants de saisir le JAF pour obtenir un jugement mettant à la charge de l’autre parent une pension alimentaire.
- La créance d’aliments n’est plus payée depuis 2 mois consécutifs
- Le créancier vit seul (parent isolé).
- Les enfants sont considérés à sa charge (c’est le cas des enfants placés en foyer ou famille d’accueil… dont la garde ou la charge a été maintenue aux parents).
Le recouvrement des créances alimentaires
Le créancier autorisera par courrier à la CAF de procéder au recouvrement des sommes dues.
Si la CAF recouvre les sommes dues, elle les déduira du montant de l’ASF et versera au créancier la différence. C’est la raison pour laquelle l’ASF est bien une avance et non une prestation.
A noter :
La CAF peut recouvrer les créances dans la limite de 2 ans à compter du jour ou le créancier d’aliments l’a mandaté pour agir.
Un arrêté du 21 octobre 2014 ami sen place une procédure expérimentale dans 20 départements dont le but est
- de verser les sommes dues au titre de la pension alimentaire dès le deuxième incident de paiement. L’intérêt est de ne pas attendre d’avoir recouvré toutes les sommes dues auprès du débiteur pour la verser au créancier d’aliments.
- de maintenir le paiement de l’ASF après que le couple se soit reformé ( et ce qu’il y ait eu mariage, concubinage ou pacs…).
Le recouvrement d’une pension alimentaire quand le débiteur vit à l’étranger
Un créancier peut, sous certaines conditions, procéder au recouvrement d’une pension alimentaire lorsqu’un débiteur réside à l’étranger et ne remplit pas ses obligations.
La procédure
Le créancier devra s’adresser au Service des affaires civiles et de l’entraide judiciaire du ministère en charge des Affaires étrangères. La demande peut être faite par téléphone ou par courrier.
Le créancier devra constituer un dossier complet comprenant :
- Une lettre détaillée précisant les motifs de la demande,
- Tous renseignements concernant le débiteur,
- La copie de l’acte de mariage,
- La copie de l’acte de naissance du (ou des) enfant(s),
- La copie du jugement fixant la pension alimentaire (ainsi que la signification de la décision)
- Une procuration donnant tout pouvoir au consulat ou au ministère des affaires étrangères qui représentera le demandeur dans la procédure.
À noter :
Si le créancier est dans l’impossibilité de fournir l’adresse du débiteur domicilié à l’étranger, il devra porter plainte pour abandon de famille. Cela permettra d’ouvrir une enquête qui permettra au procureur de la République de retrouver tous les renseignements utiles permettant la mise en œuvre de la procédure de recouvrement.
Même si cela a l’air simple et si beaucoup d’accords bilatéraux signés entres Etats prennent les difficultés du créancier très au sérieux , il faut savoir que dans les faits un recouvrement de créance pratiqué à l’étranger demande de l’énergie, du temps et… beaucoup de patience.