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Pourquoi les faits divers nous fascinent

image d'un accident fait divers

Documentaire, livres, émissions de télé, podcasts… les faits divers sont traités sous toutes les formes et plaisent au public. Fascinant, ils révèlent les faces les plus sombres de l’humanité.

À travers les témoignages de journalistes, de spécialistes et de passionnés, la fascination pour le fait divers s’explique par le mystère qu’il suscite et ce qu’il dit sur la société.

Un baromètre de l’Institut national de l’audiovisuel de 2013 révèle qu’en 10 ans, le nombre de sujets consacrés aux faits divers dans les journaux télévisés du soir a augmenté de 73 %. Au palmarès des sujets les plus relayés figurent en première place les actes de violence contre les personnes (agressions, meurtres, enlèvements, viols…), qui constituent la moitié des sujets diffusés. Derrière eux, les accidents (naufrages, incendies, noyades…), s’ensuivent les actes de banditisme et les violences antisociales.

Depuis cette enquête, l’intérêt populaire pour les crimes les plus morbides n’a pas bougé d’un iota, au contraire. Documentaires à gros budgets, séries télévisées en tout genre, podcasts… le fait divers n’a cessé de fleurir autour de nous. Pourquoi ? Parce qu’il suscite depuis toujours une fascination, replaçant l’Homme face à ses aspects les plus sombres.

Preuve en est l’engouement autour du magazine Society sur l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès comme il y en a peu dans la presse aujourd’hui : 400 000 exemplaires, avec de multiples réimpressions, rupture de stock, revente sur Leboncoin, sortie d’un livre et adaptation en série.

Le mystère pour clef du succès

Les journalistes de Society dévoilent une enquête qui se lit comme un véritable polar avec de multiples rebondissements… Mais cela ne suffit pas à expliquer le succès des deux numéros de Society. Pour Sylvain Gouverneur, ce fait divers fascine parce qu’il pose un véritable mystère, car le principal suspect de la tuerie, Xavier Dupont de Ligonnès, demeure introuvable depuis 2011.

« Tant qu’on ne l’aura pas retrouvé, les gens fantasmeront toujours sur : est-il vivant, est-il mort. Tant qu’on ne saura pas ce qu’il s’est réellement passé, les gens y resteront accrochés », explique-t-il. Plus que de la curiosité autour de la disparition de l’auteur de la tuerie de Nantes, l’auteur de l’enquête est persuadé que ce fait divers fonctionne parce qu’il est aussi révélateur d’une époque : « Ce fait divers raconte les années 2000 avec l’arrivée d’Internet et ces gens qui souhaitent faire fortune très vite, la cupidité de l’être humain. Ça raconte aussi les crédits à la consommation, et tout le contexte de la noblesse versaillaise désargentée… ».

Au-delà du crime et de ce qu’il détaille sur une époque, le fait divers vient raconter une part sombre de la société. Un élément selon le journaliste que « l’on n’a pas envie de regarder, mais qui explique beaucoup sur l’être humain. Le bon fait divers nous apprend un petit peu plus sur l’âme humaine ».

Au-delà de l’horreur des affaires, il ne faut pas oublier l’humain

Ce travail sur l’humain dans le fait divers est aussi au cœur du podcast Fenêtre sur cour d’Élise Costa, chroniqueuse judiciaire chez Arte Radio et slate.fr. À force de traîner dans les tribunaux, son regard sur le fait divers a évolué. Dans son podcast, la journaliste raconte ce que les autres ne voient pas. Un métier, une atmosphère, un geste… Son but : humaniser les protagonistes de la Justice et sortir de la vision manichéenne des affaires les plus sombres : « À force de côtoyer les acteurs du monde judiciaire, les victimes, les familles des accusés, ou les accusés… mon rapport au fait divers a changé.

Un accusé ne représente pas toujours le mal, on peut arriver à ressentir de l’humanité en lui, et de la même façon qu’un accusé n’est pas simplement mauvais, il n’y a pas de victimes sans défauts. Et c’est comme ça que j’aime travailler, rendre l’humain ou l’inhumain en chacun de nous ».

Le fait divers comme récit

Roland Barthes disait : « le fait divers m’intéresse parce que précisément il n’est pas la simple relation d’un fait réel qui a existé, mais il est un véritable récit comme on peut en trouver dans les contes populaires autrefois. ». Plus qu’un simple fait divers, l’affaire devient un récit avec ses protagonistes et les multiples rebondissements que peut connaître une histoire. Un véritable feuilleton qui pousse des internautes à mener eux même leur enquête.

Parmi eux, un physicien parisien de 39 ans consacre, depuis quatre ans, trois heures par semaine à sa quête de la vérité autour de l’affaire Grégory. « Cette affaire est bien plus passionnante que n’importe quelle fiction. Dans tout ce qu’Agatha Christie a pu écrire de plus fou, rien ne rivalise avec l’affaire Gregory ».

Le fait divers rassemble

Patrick Avrane, psychanalyste et auteur de l’ouvrage Les faits divers, souligne la similarité entre le fait divers et la fiction : « Le fait divers, c’est l’inattendu, quand la réalité dépasse la fiction. Il fascine par ce qu’il a d’étrange, et par cette faculté qu’il a de nous pousser à chercher des explications ». Selon lui, on retient les faits divers malheureux, criminels, non résolus, car l’on attend que le coupable soit jugé. À l’image de l’affaire Grégory, Patrick Avrane estime que les faits divers les plus intrigants sont les infanticides. « À chaque fois qu’un enfant meurt, explique le psychanalyste, c’est comme si nous, les hommes, avions failli à notre tâche, et c’est pour ça que l’infanticide touche tout le monde ».

Cette faculté à émouvoir les foules vient forger une communauté. Selon lui, « si l’on se met à parler de l’affaire Grégory à une terrasse de bistro, chacun va donner son avis, développer son hypothèse ». Le fait divers rassemble donc, il est partagé par tout le monde. Ces affaires marquent les esprits, et viennent créer autour d’elles une communauté qui tente d’expliquer : « pourquoi un tel geste ? ». Le fait divers, pousse aussi à nous projeter en se demandant : « comment aurais-je réagi ? ».

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