Peut-on vendre son tatouage ou ses dents en or ?
Deux affaires portant sur la marchandisation du corps humain méritait notre attention.
L’affaire du dépeçage de peau humaine
Tim Steiner s’est fait tatouer par un artiste belge. Jusque-là tout va bien ! Sauf que… Le tatoué, s’est engagé par contrat, à être dépecé de sa peau tatouée (après sa mort) pour rendre le tatouage au collectionneur allemand Rik Reinking qui a (aurait?) payé cette œuvre 130 000 euros.
L’affaire des dents en or
Un élu du Front national, a proposé lors d’un Conseil municipal de Fontaine (Isère) de payer le dentiste au roms pour « récupérer leurs dents en or … et financer leur logement ».
Entre le commerce de peau humaine et la récupération de dents en or, qui rappelons-le, était le sport préféré des nazis, devinez un peu laquelle de ces deux pratiques est légale ?
Le principe de l’indisponibilité du corps humain
L’article 16-1 et suivants du code civil ainsi que les lois bioéthique de 1994, imposent le respect, et l’inviolabilité du corps humain. C’est le principe de l’indisponibilité du corps humain.
Le corps humain, et tous les éléments qui le composent, ne peut pas faire l’objet d’acte de commerce, ni de conventions à titre gratuit ou à titre onéreux (Article 16-5 du code civil). Et cette protection ne cesse pas avec la mort (article 16-1-1 du code civil).
Cependant la loi prévoit deux exceptions bien distinctes.
Les exceptions à l’indisponibilité du corps humain
Le législateur opère une distinction très nette entre les éléments du corps humain qui peuvent faire l’objet de don et les produits du corps humain qui eux, pourront être cédés ou vendus.
Les éléments du corps humain : Le droit de faire un don
Les articles L.1211-2 et L.1211-8 du code de la santé publique disposent que ne sont pas soumis aux principes régissant l’indisponibilité du corps humain les éléments du corps humain prélevés et utilisés à des fins thérapeutiques.
Pour faire simple, les éléments du corps humain sont des éléments rares ou uniques (un foie, deux poumons, un cœur…). Ils peuvent faire l’objet de don dans le strict respect des conditions fixées par la loi (le consentement, la gratuité, la finalité du don…). Ces dispositions concernent les organes, les tissus, les cellules, les gamètes, le sang, la moelle osseuse…
À noter : Les dons d’organes se font du vivant de la personne (article L.1231-1 du code de santé publique).
Les prélèvements se font sur le corps d’une personne décédée à des fins thérapeutiques ou scientifiques (article L.1232-1 du code de santé publique).
Les produits du corps humain : le droit de les céder ou de les vendre
L’article R.1211-49 du Code de la santé publique précise que ne sont pas soumis au principe de l’indisponibilité du corps humain les produits du corps humain désignés ci-après :
- Les cheveux.
- Les ongles.
- Les poils.
- Les dents.
Et depuis 2002, le lait humain (le lait maternel).
Les produits du corps humain étant des éléments qui se renouvellent spontanément et périodiquement (même de manière limitée comme les dents), ils pourront faire l’objet de commerce.
À savoir : précisons que juridiquement, une fois séparé de la personne, le corps (organe, produit, tissu ou cadavre) devient un meuble par nature.
Donc, un embryon congelé, une main coupée… devient juridiquement un bien meuble ! Mais pas n’importe quels meubles puisque même séparés du corps, ils sont insusceptibles d’appropriation (l’article 16-5 du code civil interdit tout contrat à titre onéreux ou gratuit).
À l’inverse, une fois intégrée au corps, un objet tel qu’un implant, sera assimilé à un élément du corps humain.
Conclusion ?
Prélever un tatouage sur la peau après la mort : illégal
Le contrat prévoyant le dépeçage d’une peau tatouée sera frappé de nullité absolue ! Et ce, peu importe le pays ou se produira le décès (puisqu’on applique la loi du pays ou décède une personne). En effet, le commerce de la peau humaine est interdit dans (presque ?) tous les états du monde.
Même consentante, une personne ne peut pas céder son corps, ou une partie de son corps (y compris l’épiderme) et ce, même après sa mort, contre de l’argent ou à titre gratuit.
Dans notre affaire, signer un tel contrat, empocher l’argent et se faire de la pub au passage, n’engage à rien. Mais le collectionneur ne pourra pas récupérer le tatouage : Tout contrat portant sur le corps humain illégal.
Si le collectionneur veut passer outre, il encourt 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.
Vendre ses dents en or de son vivant: Légal
Il est licite de vendre ses dents en or pour payer ses dettes ! C’est malsain et immoral, mais légal ! Mais, à condition d’obtenir le consentement des roms, sans cela c’est un acte de torture et de barbarie.
Pour la petite histoire, une personne a mis en vente une dent (pas en or !) sur le site Le Bon Coin pour 2 euros !
Mais ce genre de proposition fait froid dans le dos, puisqu’elle nous fait reculer de 200 ans sur l’échelle de la civilisation.
Dans « Les misérables » de Victor Hugo, Fantine vendait déjà ses cheveux et ses dents pour nourrir sa fille, Cosette !