Quelles sont les obligations légales d’une banque envers son client ?
La fourniture de produits ou services financiers engendrent naturellement des obligations à la charge des parties. En effet, l’action des établissements de crédit dans l’accomplissement des opérations de clientèle est rigoureusement encadrée par la loi[1]. Le non-respect de ces règles par le banquier peut engager sa responsabilité civile et pénale.
Pour ce faire, ce dernier est tenu, dans l’exercice de ses fonctions, par une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client qui trouve néanmoins une limite dans le devoir de vigilance mis à la charge du banquier. Aussi, ce professionnel doit respecter le secret professionnel sur les opérations de clientèle. Enfin, une obligation d’information qui contraste avec celle de non-ingérence est créée en son chef du banquier par le législateur.
L’obligation de non-ingérence
Egalement appelé principe de non-immixtion, le principe de non-ingérence emporte interdiction au banquier d’intervenir dans les affaires du client. Développé par la doctrine à partir de décisions jurisprudentielles[2], ce principe est aujourd’hui consacré implicitement dans le code monétaire et explicitement dans le code de la consommation[3].
En effet, si le but de ce principe est de protéger le client contre les interventions du banquier dans ses affaires, il n’en demeure pas moins qu’il protège aussi le professionnel des risques liés aux opérations du client.
Le principe interdit par exemple au banquier de se mêler des affaires de son client en l’empêchant d’accomplir un acte irrégulier ou de refuser d’exécuter des instructions données par ce dernier au motif que celles-ci lui paraissent inopportunes[4] (dépôts, retraits, encaissements). En effet, l’immixtion du banquier dans les affaires du client peut être source de responsabilité pour lui.
Ainsi, le principe, le respect du principe par le professionnel, lui protège contre les actions du client en cas d’opérations effectuées par eux et qui se sont avérées préjudiciables pour leurs intérêts[5]. En effet, il a été jugé que le banquier « n’a pas à apprécier l’opportunité des crédits qu’il consent » et par conséquent, ne saurait répondre du mauvais usage du crédit par un client[6].
Aussi, ce principe permet au banquier de se prémunir des actions des cautions et sous-cautions contre le client. En effet, dans une décision en date du 19 novembre 2002, la Cour de cassation a jugé : « qu’un établissement de crédit, qui n’a pas, en sa qualité de prêteur ou de garant, à s’immiscer dans les affaires de son client, ne commet pas de faute du seul fait de l’octroi d’un concours à une entreprise concurrente »[7].
Enfin, le principe de non-ingérence protège les établissements de crédit des tiers pour les opérations indélicates effectuées par leurs clients au préjudice des premiers[8].
Le devoir de vigilance du banquier
Si le principe de non-ingérence interdit aux établissements de crédit de s’immiscer dans les affaires du client en ne recherchant pas par exemple l’origine ou la destination des fonds de ce dernier[9], le devoir de vigilance qui pèse sur le professionnel à l’occasion des opérations bancaires et financières, tempère ce principe.
En effet, si le banquier pas tenu de rechercher l’origine des fonds du client, il est toutefois de procéder à certaines vérifications voire refuser de participer à certaines opérations si celles-ci présentent des anomalies. Le devoir de vigilance impose au banquier d’agir en professionnel.
Cette obligation de vigilance ou de prudence se décline sous trois formes :
Une vigilance-surveillance
Elle enjoint au banquier de surveiller ses clients en vue de déceler les anomalies évidentes ou apparentes, qu’elles soient matérielles (falsifications de titres comme des endos irréguliers)[10] ou intellectuelles (mouvements bancaires anormaux laissant soupçonner des détournements de fonds sociaux de la part d’un administrateur)[11].
Une vigilance-information
Elle oblige le banquier à s’informer auprès du client en cas d’anomalies constatées lors des opérations. C’est qu’illustre en l’occurrence L. 561-10-2 du Code monétaire et financier. En effet, cet article dispose que « les opérations complexes ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite doivent faire l’objet d’une vigilance renforcée ». En fait, c’est qui demandé au banquier, c’est d’agir en bon professionnel. Ainsi, la jurisprudence estime ce dernier « manquerait à son devoir de vigilance s’il octroyait un crédit sans s’informer de la situation financière de l’emprunteur profane »[12]. Néanmoins, l’obligation qui pèse sur le banquier ici n’est qu’une obligation de moyens et non de résultat.
Le secret professionnel
Le secret professionnel ou bancaire, emporte interdiction au banquier de divulguer des informations sur ses clients sous peine de sanctions civile et pénale. Il couvre essentiellement les informations confidentielles chiffrées comme le montant du solde d’un compte ou le montant d’un crédit consenti à un client[13].
Les personnes soumises à cette obligation sont définies à l’article L. 511-33, I, du Code monétaire et financier. Il s’agit en l’occurrence de toutes les personnes qui, à un titre quelconque, participent à la gestion ou à la direction d’un établissement de crédit ou qui sont employées par celui-ci. A celles-ci, les personnes qui, à l’occasion de leurs fonctions, peuvent obtenir communication des informations confidentielles détenues par les établissements de crédit (les personnes qui participent aux missions de contrôle confiées à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution)[14].
En effet, le secret bancaire vise à protéger le client contre l’indiscrétion du banquier. Ainsi, ce dernier ne doit, sans l’autorisation de son client, de son vivant[15], divulguer ou communiquer des informations confidentielles le concernant, même à ses proches (conjoint, héritiers) ou au tiers.
Cette question est un peu délicate lorsqu’il s’agit d’une personne morale, c’est-à-dire une société autre qu’un autoentrepreneur. En effet, on peut admettre que le banquier ne saurait opposer le secret professionnel aux représentants légaux de la société (gérant, le président du conseil d’administration ou le directoire), qu’en est-il des autres membres du conseil d’administration ou des membres du conseil de surveillance ? En principe, ces derniers ne peuvent obtenir individuellement d’un établissement de crédit la communication d’informations confidentielles sur la société. Toutefois, d’aucuns ne doutent que lorsqu’ils s’agissent collectivement, leur action serait légitime.
S’agissant des associés, il est admis que le secret leur est opposable[16]. Néanmoins, beaucoup s’interrogent sur la pertinence de cette solution aux associés ayant une responsabilité illimitée et indéfinie.
Les limites de ce secret professionnel qui protège les clients contre les indiscrétions des banquiers ne cessent de se multiplier.
Ainsi, l’article L. 511-33, I, alinéa 2, du Code monétaire et financier précise que « outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ni à la Banque de France, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale 2608 , ni aux commissions d’enquête créées en application de l’article 6 de l’ordonnance n o 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ». Aussi, le secret professionnel peut sous certaines conditions, être levé dans le cadre d’une procédure judiciaire contre le client.
Le devoir d’information
A l’occasion des opérations bancaires, le banquier est également tenu d’un devoir d’information à l’égard de sa clientèle. Initialement imposé par la jurisprudence, cette obligation d’information du client mise à la charge du banquier est aujourd’hui prévue aux l’article R. 312-1 du Code monétaire et financier relatif aux informations relatives aux conditions générales de banque et à l’ouverture des comptes et à l’article L. 312-1-1 du même code sur les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt. A ces dispositions, s’ajoutent celles de l’article L. 111-1 du Code de la consommation qui imposent une obligation générale d’information précontractuelle (caractéristiques des biens et services, prix, délai de livraison ou d’exécution) au profit des consommateurs et à la charge des vendeurs de biens et des fournisseurs de services[17].
Cette obligation consiste essentiellement en une obligation d’information-conseil du client[18]. Ainsi, le banquier doit non seulement mettre à la disposition du client toutes les informations nécessaires sur le produit ou le service bancaire, mais il doit lui mettre en garde[19] sur les risques liés à l’opération envisagée par ce dernier.
A noter que plus le client est moins averti (profane) plus l’obligation du banquier est importante.
En conclusion, le banquier est, dans ses relations avec la clientèle, soumise au respect de certaines obligations dont le non-respect est susceptible d’être de responsabilité aussi civile que pénale pour lui. Ces obligations qui pèsent sur lui visent essentiellement à protéger la clientèle mais constituent également dans une certaine mesure un garde-fou pour le banquier contre les risques liés aux opérations effectuées par le client.
[1] Th. BONNEAU, Droit bancaire ; LGDJ; 12e édition ; 2017 p. 341
[2] La première application jurisprudentielle du principe de non-ingérence semble être un arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 1930 (Gaz. Pal., 1930. 1. 550 ; Rev. trim. dr. civ., 1930. 369, obs. Demogue).
[3] Art. L761 2 Code de la consommation
[4] Th. BONNEAU, op. cit. p. 343
[5] Cass. com., 3 mai 2016, arrêt n° 389 F-D, pourvoi n° K 14- 11358, Banque et droit, juill.-août 2016. 19, n° 168, obs. Bonneau
[6] (Bull. civ. IV, n o 95, p. 78 ; JCP 1999, éd. E, p. 1730, 2° espèce, note Legeais ; Rev. dr. bancaire et bourse n o 75, sept./oct. 1999. 184, obs. Crédot et Gérard ; Rev. trim. dr. com. 1999. 733, obs. Cabrillac ; Les Petites Affiches n o 118, 15 juin 1999. 12 ; Dalloz Affaires, 1999. 990, obs. J. F. ; RJDA 6/99 n o 710, p. 556 ; JCP 1999, éd. E, pan. p. 1218, note Bouteiller).
7] Cass. com., 19 nov. 2002, Bull. civ. IV, n o 167, p. 191 ; Banque et droit n o 88, mars-avril 2003, 61, obs. Bonneau ; Rev. trim. dr. com. 2003. 150, obs. Legeais.
[8] Cass. com., 30 janv. 1990, Banque n o 505, mai 1990. 535, obs. Rives-Lange. V. ; Cass. com., 15 juin 1993 (Bull. civ. IV, n o 239, p. 170 ; Rev. dr. bancaire et bourse n o 40, nov./déc. 1993.
[9] Th. BONNEAU, op. cit. p. 344
[10] v. Paris, 7 févr. 1966, Rev. trim. dr. com. 1966. 972, obs. Becqué et Cabrillac.
[11] Cass. 2 e civ., 5 mai 1975, Bull. civ. II, n o 130, p. 107 ; Cass. com., 11 janv. 1983, arrêt préc.
[12] Ibid. p. 345
[13] BERTREL, art. préc. p. 3 ; adde, Rennes, 13 janv. 1992 (JCP 1993, éd. E, II, 432, note Gavalda ; Rev. dr. bancaire et bourse n o 46, nov.-déc. 1994. 258, obs. Crédot et Gérard)
[14] Ibid. p. 347
[15] V. Reims, 25 févr. 1993, Rev. dr. bancaire et bourse n o 39, sept.-oct. 1993. 226 et note critique Crédot et Gérard.
[16] Paris, 20 mars 1990, Rev. dr. bancaire et bourse n o 21, sept.-oct. 1990. 202, obs. Crédot et Gérard.
[17] Th. BONNEAU, op. cit. p. 353
[18] Cass. 1 re civ., 27 juin 1995, D. 1995. J. 621, note Piedelièvre ; Rev. dr. bancaire et bourse n o 51, sept.-oct. 1995. 185, obs. Crédot et Gérard ; Quotidien juridique n o 91, 14 nov. 1995. 6 ; RJDA 12/95 n o 1400 ; Defrénois 1995, art. 36210, n o 149, p. 1416, obs. Mazeaud ; Contrats, conc. consom., déc. 1995, n o 211, note Raymond.
[19] V. Mazeaud, obs. préc., qui souligne que « la Cour semble assimiler l’obligation de conseil et l’obligation de mise en garde ». V. le dossier « Le devoir de mise en garde du banquier », in Rev. dr. bancaire et financier n o 6, nov.-déc. 2007. 73.