Deux empreintes de chaussures avec une semelle à motif imprimée dans le sable, positionnées côte à côte, indiquant la direction du déplacement. La surface du sable semble texturée avec des crêtes naturelles.

En droit, la bataille se fait souvent entre les preuves. Qui doit prouver? Comment? Quelles preuves sont admises? Nous répondrons à ces questions basiques mais essentielles dans cet article. Pour la preuve en droit civil (I) nous distinguerons l’acte (A) et le fait juridique (B). Puis nous aborderons la preuve en droit pénal (II).

I) La preuve en droit civil

A) Pour un acte juridique

Qu’est-ce qu’un acte juridique ? Un acte juridique est la manifestation de la volonté d’une ou plusieurs personnes de produire des effets de droit, c’est-à-dire qu’il s’agit de conséquences juridiques voulues. Le plus souvent, un acte juridique est matérialisé par un contrat (écrit ou oral). Qui doit prouver ? Le principe est que celui qui réclame l’exécution d’une obligation est tenu de la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation 1. En d’autres termes,

  • si vous exigez d’une autre personne qu’elle respecte ses engagements, c’est à vous de prouver que l’autre s’est engagé auprès de vous
  • si vous estimez avoir rempli vos obligations, c’est à vous de prouver que vous vous êtes exécuté

Comment prouver ? La loi vient préciser et limiter les moyens de preuve pour un acte juridique 2. Pour prouver un acte juridique qui porte sur une valeur inférieure à 1500€, aucune règle n’est fixée : il est possible de rapporter la preuve par tout moyen (écrit, témoignage, etc. Les types de preuve utilisables ne sont pas limités par loi) 3. Pour prouver un acte juridique qui porte sur une valeur supérieure à 1500€, il est exigé un écrit 4. Il n’est pas possible de se dispenser de la preuve par écrit en diminuant sa demande : c’est bien la valeur portée par l’acte qui est prise en compte 5. Cet écrit peut être authentique (c’est-à-dire passé devant notaire), ou sous signature privée. Il peut également être électronique 6, ou encore une copie fidèle à l’original 7. Si vous voulez vous positionner contre ou outre un tel écrit, vous êtes dans l’obligation de le faire par un écrit également 8. Il existe des exceptions à cette exigence de l’écrit : 9

  • En cas d’impossibilité morale de prouver l’écrit : des liens de parenté, des usages …
  • En cas d’impossibilité matérielle : cette hypothèse ne s’est jamais manifestée devant les tribunaux, ceux-ci estimant qu’il n’y a aucune impossibilité d’ordre matériel à rédiger un document écrit.
  • Lorsque le document écrit a été perdu par force majeure. Par exemple, lorsque le document a été perdu lors d’un incendie, la force majeure étant définie comme un événement imprévisible, irrésistible, et extérieur à l’auteur.
  • En présence d’un commencement de preuve par écrit. Plusieurs conditions doivent alors être réunies 10. :
    • un écrit
    • qui provient de l’emprunteur
    • qui rend vraisemblable le prêt allégué

Vous pouvez alors suppléer l’écrit nécessaire en utilisant d’autres modes de preuves 11 :

  • L’aveu judiciaire : c’est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques 12
  • Le serment décisoire : c’est lorsque, en justice dans un procès civil, vous demandez à votre adversaire de prêter serment sur un point énoncé 13
  • Le commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve

Quelle preuve est refusée ? On ne peut se constituer de preuve à soi-même 14. Par exemple, en toute logique, on ne peut se constituer son propre écrit. La preuve doit également avoir été obtenue sans fraude pour être admissible 15. On ne peut, par exemple, enregistrer une conversation téléphonique privée et l’utiliser contre l’auteur sans l’avoir informé au préalable de cet enregistrement. Mais des tempéraments sont possibles, par exemple :

  • Utiliser un message vocal laissé sur une messagerie : il est considéré comme loyal d’utiliser cet enregistrement contre l’auteur du message, celui-ci sachant que le message laissé est enregistré 16.
  • Utiliser des Sms, notamment dans les affaires familiales : si vous n’avez pas usé de la fraude ou de la violence pour pouvoir accéder aux Sms (le plus souvent, pour apporter la preuve d’un adultère), il est possible de faire constater par un huissier de justice les messages échangés. Comme pour le message vocal, l’auteur a conscience de la possibilité qu’a le destinataire de conserver ce message 17.

La preuve rapportée doit donc être loyale.

B) Pour un fait juridique

Qu’est-ce qu’un fait juridique ? A la différence de l’acte juridique par lequel les parties ont souhaité les effets juridiques, le fait juridique est un événement qui va avoir des conséquences juridiques sans que les parties ne les aient voulues (par exemple, un accident). Qui doit prouver ? Comme pour l’acte juridique, le principe est que celui qui réclame l’exécution d’une obligation est tenu de la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation 18. En d’autres termes,

  • si vous exigez d’une autre personne qu’elle respecte ses engagements, c’est à vous de prouver que l’autre s’est engagé auprès de vous
  • si vous estimez avoir rempli vos obligations, c’est à vous de prouver que vous vous êtes exécuté

Comment ? Un fait juridique, ne pouvant par nature être anticipé, il bénéficie d’un régime plus souple de preuve que l’acte juridique. Il peut être prouvé par tout moyen 19. C’est le principe de la liberté de la preuve qui s’applique. On peut alors utiliser :

  • La preuve par écrit
  • La preuve par témoignage 20 : la valeur accordée aux témoignages est alors laissée à l’appréciation du juge
  • Les présomptions judiciaires 21 qui permettent de renverser la charge de la preuve lorsque celle-ci est difficile à obtenir : ce sera alors à l’autre partie d’apporter la preuve de la non-réalisation du fait juridique
  • L’aveu 22 : il peut être fait en justice par la partie concernée (l’aveu judiciaire) ou être purement verbal (l’aveu extrajudiciaire)
  • Le serment 23 :  lorsque, en justice dans un procès civil, il est demandé à l’adversaire de prêter serment sur un point énoncé

Il est alors ici possible de se constituer preuve à soi-même 24. Par exemple, pour justifier des conditions dans lesquelles un homme était tombé d’un bateau de loisirs conduit par une tierce personne, les juges ont pu retenir des annotations prises par l’homme lui-même dans un carnet de bord (notamment la vitesse excessive qu’il avait pu constater au moment des faits). Ce sera alors au juge d’apprécier la valeur à donner aux différentes preuves rapportées.

II) La preuve en droit pénal

Qui doit prouver ? En droit pénal, la preuve vise à montrer qu’une infraction a bien été commise : c’est donc à celui qui accuse un autre d’avoir commis cette infraction de la prouver (le procureur de la République ou la  victime si elle s’est constituée partie civile), et celui à qui s’applique la présomption d’innocence 25 d’y répondre. Comment ? Il est possible de prouver une infraction pénale par tous moyens, par tous modes de preuve 26. Au contraire du droit civil où il peut exister une hiérarchie des preuves notamment pour les actes juridiques, le droit pénal considère toutes les preuves comme recevables, sans prévalence d’une sur une autre. Cette liberté de la preuve s’explique d’une part car il s’agit de prouver des faits, et d’autre part car il faut faciliter la preuve pour éviter la disparition d’indices et de preuves. Il n’existe que de rares exceptions, notamment pour les contraventions qui sont prouvées le plus souvent par procès-verbal ou par rapport 27, ou certaines infractions spécifiques comme la preuve d’une conduite sous l’emprise d’alcool. Mais pour prendre sa décision, le juge ne peut utiliser que des preuves qui ont fait l’objet d’un contradictoire 28. Cela signifie que toutes les parties au procès doivent avoir connaissance des preuves rapportées, et pouvoir en discuter devant le juge et faire des observations. Il est donc possible, par exemple, de produire dans une procédure pénale un enregistrement réalisé à l’insu de son auteur, si l’utilisation de cette preuve a été discutée devant le juge pénal. L’accusation peut utiliser des présomptions de culpabilité pour prouver l’infraction :

  • Des présomptions posées par la loi : par exemple, une personne qui ne pourra justifier de ses revenus, qui est en relation avec une personne qui commet habituellement des délits et a à un train de vie inadapté sera présumée coupable de recel 29, à moins d’apporter la preuve contraire. De la même façon, le propriétaire de la carte grise d’un véhicule est présumé être celui ayant commis une infraction routière à bord du véhicule concerné 30.
  • Des preuves inductives: le plus souvent, elles concernent un faisceau d’indices large qui présument que la personne concernée ne peut qu’avoir commis l’infraction

La personne poursuivie peut quant à elle :

  • soulever une exception, une preuve contraire : par exemple donner un alibi
  • utiliser le principe “le doute profite à l’accusé”

Dans tous les cas, le juge pénal apprécie la valeur des preuves rapportées en fonction de son intime conviction 31. Il n’est donc pas tenu par la preuve apportée, et détermine la valeur probante à accorder à une preuve. Quelle preuve refusée ? La preuve déloyale est refusée lorsqu’elle émane des autorités publiques. Il s’agit de :

  • L’utilisation de stratagèmes et de provocations policières : il n’est pas possible, par exemple, de provoquer la commission d’une infraction pour interpeller un individu 32
  • La sonorisation des cellules : il est interdit par exemple de mettre 2 suspects dans des cellules contiguës et de les sonoriser afin d’enregistrer d’éventuelles informations échangées entre eux 33
  • Les enregistrements effectués par agents de police judiciaire de façon clandestine de propos tenus par un individu 34

Les parties privées ne sont pas soumises à ces exigences de loyauté 35.


  1. Article 1353 du Code civil. 
  2. Article 1358, articles 1359 et suivants du Code civil. 
  3. Article 1358 du Code civil. 
  4. Article 1359 alinéa 1er du Code civil. 
  5. Article 1359 du Code civil. 
  6. Article 1366 du Code civil. 
  7. Article 1379 du Code civil. 
  8. Article 1359 alinéa 2 du Code civil. 
  9. Article 1360 du Code civil. 
  10. Article 1362 du Code civil 
  11. Article 1361 du Code civil. 
  12. Article 1383 du Code civil. 
  13. Articles 1385 et suivants du Code civil. 
  14. Article 1363 du Code civil. 
  15. 2e chambre civile, 7 octobre 2004 ; Assemblée plénière, 7 Janvier 2011, n°09-14316, 09-14667. 
  16. Chambre sociale, 6 février 2013, n° 11-23.738. 
  17. 1ère chambre civile, 17 juin 2009, n°07-21.796. 
  18. Article 1353 du Code civil. 
  19. Article 1358 du Code civil. 
  20. Article 1381 du Code civil. 
  21. Article 1382 du Code civil. 
  22. Articles 1383 et suivants du Code civil. 
  23. Articles 1384 et suivants du Code civil. 
  24. 1ère chambre civile 1er octobre 2014, n°13-24.699. 
  25. Article préliminaire du Code de procédure pénale. 
  26. Article 427 alinéa 1er du Code de procédure pénale. 
  27. Article 537 du Code de procédure pénale. 
  28. Article 427 alinéa 2 du Code de procédure pénale. 
  29. Article 321-6 du Code pénal. 
  30. Article L. 121-2 du Code de la route. 
  31. Article 427 alinéa 1er du Code de procédure pénale. 
  32. Chambre criminelle, 11 Mai 2006. 
  33. Chambre criminelle, 7 Janvier 2014. 
  34. Chambre criminelle, 16 Décembre 1997. 
  35. Chambre criminelle, 15 Juin 1993. 

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