La matière civile se distingue d’autres matières du droit telle que le pénal. En droit, une des difficultés réside dans l’analyse de sa situation pour savoir vers qui et comment agir. Ainsi, dans une première partie vous trouverez diverses situations, divers exemples pour savoir si votre situation est susceptible de faire partie de la matière civile (I). La deuxième partie concernera la manière d’agir en fonction de votre situation, c’est à dire la procédure à suivre (II)
I) Face à quelle situation dois-je faire appel à une juridiction civile ?
Tout ce qui va suivre entre dans les compétences d’une juridiction civile :
Si vous avez un problème concernant votre nom, votre capacité à signer certains actes, un régime de protection, la minorité, le prénom … Cela concerne le droit des personnes
Vous avez un litige avec votre voisin sur un empiétement, vous avez des questions relatives à la propriété, à l’utilisation d’une servitude, un litige en rapport avec votre patrimoine : il s’agit du droit des biens
Vous vous voulez faire homologuer le fait que vous avez changé de régime matrimonial, vous avez des questions relatives à la filiation, au concubinage, etc… Cela concerne le droit de la famille et des régimes matrimoniaux
Vous pensez être lésé dans une succession, ou qu’un leg a été consenti de façon influencée, vous pensez avoir été déshérité … vous faites face à un problème relatif au droit des successions et des libéralités
On vous a induit en erreur ou menti lorsque vous avez conclu un contrat de vente, vous négociez avec un futur client et celui-ci décide au dernier moment de ne pas faire appel à vous, vous vous blessez lors de votre entraînement de football, votre enfant blesse son camarade à l’école … C’est le droit des obligations, qui concerne le domaine des contrats et et de la responsabilité civile
Vous avez un litige particulier concernant l’exécution d’un mandat, ou d’un contrat de prêt, voire d’un contrat de distribution … Vous faites face au droit des contrats spéciaux
Vous avez un problème avec la caution de votre contrat, un litige concerne l’hypothèque immobilière consentie sur une maison, un garagiste retient votre voiture en arguant du droit de rétention … Il s’agit du droit des sûretés
II) Les moyens d’action, comment puis-je agir ?
Il est parfois préférable d’éviter le tribunal lorsque cela est possible (A), mais lorsque c’est nécessaire le tribunal reste la voie classique (B).
A) Essayer un règlement amiable du litige
Il faut savoir que depuis le 1er avril 2015, vous devez justifier devant le tribunal saisi que vous avez tenté au préalable un règlement amiable du litige, mais que cette tentative a échoué.
Synthèse :
Cas les plus pertinents pour cette voie : les conflits de voisinage ou de locataire/propriétaire, contester une facture, les conflits familiaux concernant la médiation … De façon générale, les litiges de la vie de tous les jours qui peuvent se régler par le dialogue.
Les avantages de ces procédures : On cherche la rapidité et l’efficacité par une procédure moins longue et moins coûteuse que le tribunal. On utilise la conciliation, la médiation, en somme le dialogue. Le choix d’une procédure est adaptée à notre conflit et à nos besoins. De plus, grâce au dialogue chaque partie voit la prise en compte des intérêts.
Les inconvénients : Il faut cependant garder à l’esprit que ces solutions ne sont pas magiques. Tous les problèmes juridiques ne peuvent pas être réglés par une solution alternative. De plus, il faudra passer par le tribunal en cas d’échec de la procédure amiable (ce qui peut rallonger le temps de procédure), et certaines procédures sont onéreuses.
A-t-on besoin d’un avocat ? La plupart des voies possibles pour un règlement à l’amiable ne nécessitent pas de prendre obligatoirement un avocat (sauf la convention participative). Toutefois, il est recommandé de faire appel aux conseils d’un professionnel du droit. En effet, cette assistance permet d’être mieux aiguillé dans une procédure parfois compliquée et de mieux comprendre les termes et les enjeux des mécanismes juridiques proposés. De plus, le professionnel du droit permet de se prémunir contre une situation de déséquilibre en votre défaveur lors des négociations.
B) En cas d’échec de la procédure amiable, le tribunal
Pour pouvoir agir au tribunal il faut remplir plusieurs conditions (1). Une fois celles-ci réunies, il faut savoir quelle juridiction est compétente pour notre situation pour correctement agir (2).
1) Pour agir, faut il encore en avoir le droit : puis-je agir ?
Plusieurs conditions sont nécessaires quelque soit l’action que vous exercerez. Il faut également veiller à ne pas tarder dans le temps pour agir devant la justice : les délais de prescription empêchent toute action après l’écoulement d’un certain temps.
Conditions communes à réunir, la base de toute action en justice
Il existe des conditions communes d’ouverture de l’action, qui constituent la base à réunir avant toute action.
Il s’agit de l’intérêt à agir, de la qualité à agir, d’un acte pour saisir la juridiction (le plus généralement une assignation), et une mise en demeure si vous agissez contre une autre partie avec laquelle vous êtes liés par un contrat.
Intérêt à agir : il doit être légitime, personnel et direct, né et actuel.
Il faut donc subir soi-même le problème juridique et ce différend doit exister au jour où vous souhaitez agir, ou alors il va se produire de façon imminente
Par exemple, votre frère ne peut pas agir à votre place pour faire homologuer votre changement de régime matrimonial. Seul vous, et votre conjoint, en avez le droit : vous êtes seuls concernés par cette question qui est actuelle, et pour laquelle vous avez déjà entrepris des démarches.
Qualité à agir : vous devez avoir le droit de pouvoir agir et vous représenter devant la justice. En principe, vous êtes le 1er à avoir cette qualité pour agir si vous avez un problème juridique. Sachez que certaines associations, et les syndicats professionnels, s’ils viennent défendre l’intérêt collectif et non votre seul intérêt, peuvent agir en justice pour une affaire vous concernant, . Par exemple, une affaire porte atteinte aux intérêts d’une profession : le syndicat peut agir en justice au nom des intérêts de la profession dans sa globalité. Dans certains cas, l’action de groupe est désormais possible.
Assignation : C’est par cet acte qu’on introduit l’audience. C’est un acte d’huissier de justice. Mais attention, cet acte est le plus souvent rédigé par une autre personne (votre avocat par exemple), et est remis à l’huissier pour qu’il le distribue et saisisse le tribunal. L’assignation doit contenir plusieurs mentions obligatoires, faute de quoi elle sera annulée. Elle doit également rappeler que vous avez tenté un règlement amiable. Il faut donc être vigilant. On ne peut que vous recommander de faire appel à un professionnel du droit.
Pour trouver un huissier de justice : http://www.huissier-justice.fr/Annuaire.aspx. Cet acte qu’est l’assignation est commun à toutes les procédures, puisqu’il permet d’informer le juge qu’on souhaite lui soumettre un litige : il permet donc de saisir le tribunal en question.
Il faut donc passer obligatoirement par un huissier pour assigner: cet acte coût en moyenne 80/90€.
Toutefois, l’assignation n’est pas le seul mode de saisine d’un tribunal : par exemple, il est possible de saisir le tribunal d’instance par une déclaration au greffe.
Lorsqu’il s’agit d’un contrat, il faut mettre en demeure son adversaire : il s’agit d’envoyer à l’autre partie une lettre (il est conseillé d’envoyer en lettre recommandée avec avis de réception pour être certain de la réception du courrier par l’autre partie.), dans laquelle on lui demande d’exécuter, de remplir les obligations auxquelles il s’est obligé en signant le contrat (payer une facture, livrer un meuble, etc.). Cette mise en demeure est également un moyen de montrer une tentative de règlement amiable du litige.
Les délais de prescriptions à respecter
Il faut être vigilant aux délais de prescription, qui sont les délais au-delà desquels il n’est plus possible d’agir devant un tribunal.
Le délai de droit commun, c’est-à-dire celui qui s’applique quand un délai spécifique n’est pas prévu, est de 5 ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître les faits vous permettant d’exercer votre droit en justice 1.
S’il s’agit d’une action concernant un dommage corporel, le délai de prescription est allongé, et est de 10 ans à partir de la consolidation du dommage initial ou aggravé, ce qui signifie que vous avez droit à une nouvelle indemnisation si votre état s’est aggravé depuis une 1ère décision de justice 2.
Pour les actions réelles immobilières, et la réparation des dommages à l’environnement, le délai de prescription est de 30 ans, à compter “du jour où le titulaire d’un droit a connu au aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer” 3. Il s’agit par exemple d’une action pour faire reconnaître par un tribunal l’existence d’une servitude, ou d’un usufruit.
Dans d’autres cas spécifiques, ces délais sont raccourcis : il faut donc être particulièrement vigilant.
Si vous souhaitez mettre en oeuvre la garantie de conformité pour un de vos achats, le délai de prescription est de 2 ans à compter de la délivrance du bien, 6 mois s’il s’agit d’un bien d’occasion 4.
Si votre affaire concerne un contrat d’assurance, le délai de prescription est là aussi de 2 ans 5.
2) Les différents tribunaux et leurs différences en fonction du domaine de votre litige ou de son montant
Pour les plus petits litiges, il faudra saisir le tribunal de proximité (a). Vient ensuite le tribunal d’instance (TI), qui sera saisi pour les litiges inférieurs à 10 000€ ou pour des matières particulières (b). Nous vous expliquerons alors les différentes façons d’agir devant ces tribunaux pour lesquels la représentation par un avocat n’est pas obligatoire (c). Enfin, nous verrons le tribunal de grande instance (TGI) (4).
a) Le Tribunal de proximité :
Il est compétent pour les litiges dont le montant est inférieur ou égal à 4 000€ (par exemple, la livraison non conforme d’un article dont la valeur est inférieur à 4 000€)/
Mais cette juridiction va disparaître au 1er Août 2017. Après cette date, ce sera le tribunal d’instance qui sera compétent pour connaître des litiges qui jusqu’ici devaient être présentés devant le tribunal de proximité. Il sera saisi dans les mêmes conditions que le tribunal de proximité (montant inférieur ou égal à 4000€, pas d’appel possible).
la représentation par avocat n’est pas obligatoire. Vous pouvez donc saisir vous-même le tribunal par voie d’assignation (voir plus bas : “comment lancer seul une procédure au civil …”).
b) Le Tribunal d’instance (TI) 6 :
Lorsque le litige est estimé entre 4000 et 10 000€
Il a aussi des compétences particulières 7, comme par exemple:
- Les litiges concernant le louage d’immeuble, c’est-à-dire entre propriétaire et locataire (si le montant est supérieur à 4000€)
- Les actions en bornage
- Des contestations liées aux élections professionnelles (délégués du personnel, représentants des salariés …) et politiques
- Les litiges relatifs au code de la consommation (si le montant est supérieur à 4000€)
- La protection des majeurs, en matière de tutelle par exemple
Par exemple, ce peut être le fait de ne pas se faire livrer sa cuisine, dont la valeur est estimée entre 4000 et 10 000€. Mais aussi un propriétaire qui souhaite expulser son locataire qui ne paye plus ses loyers malgré de nombreux rappels et une mise en demeure.
c) Comment lancer seul une procédure au civil devant le tribunal d’instance et le juge de proximité
Dans un 1er temps, vous pouvez décider de mettre en oeuvre une tentative de conciliation préalable, afin d’éviter une procédure judiciaire classique (c1).
Vous pouvez ensuite saisir le juge civil, devant le tribunal de proximité ou le tribunal d’instance de plusieurs façons. Tout d’abord, en vous présentant volontairement devant lui (c2). Pour les plus petits litiges, vous pouvez faire une déclaration au greffe via un formulaire Cerfa afin de lui indiquer votre volonté de faire juger votre affaire devant le juge de proximité (c3). Vous pouvez également déposer une requête conjointe si vous êtes -toutes les parties- d’accord (c4). Enfin, vous pouvez rédiger une assignation, qui est la manière commune de saisir une juridiction (c5).
c1) Mettre en place une conciliation préalable facultative 8 .
C’est une démarche volontaire.
La demande se fait au greffe du tribunal par lettre simple, c’est-à-dire sans formalisme particulier, ou de façon orale (il est conseillé de privilégier l’écrit pour garder une trace de cette demande).
Il faut indiquer les noms et prénoms des 2 parties, leurs adresses, leurs professions, et l’objet du conflit.
Cette tentative de conciliation peut être faite par le juge, ou par un conciliateur si les parties sont d’accord.
En cas de réussite de la conciliation : Un constat de conciliation est rédigé par le conciliateur (ou le juge s’il a assumé le rôle de conciliateur). Ce constat est signé par lui et les parties, et sera ensuite homologué par le juge.En cas d’échec de la conciliation : Si la conciliation est menée directement par le juge, celui-ci peut décider de juger directement l’affaire. Dans le cas d’un conciliateur, il informe le juge des difficultés rencontrées, et l’affaire sera jugée à une audience ultérieure.
Le greffe enverra une lettre en recommandé aux parties, les informant de leur faculté de saisir le juge pour trancher le litige.
c2) Une présentation volontaire devant le juge 9
En réalité, vous vous présentez au greffe du tribunal pour choisir une date d’audience sur le calendrier qui est à votre disposition.
Vous remplissez un formulaire que vous remettez au greffe, sur lequel doivent figurer plusieurs éléments à peine de nullité (identification des parties, pièces justificatives, etc.).. Ce formulaire vaut procès-verbal de votre demande.
Après avoir vérifié votre formulaire concernant votre demande, le greffe inscrit votre demande au rôle, c’est-à-dire qu’il inscrit votre litige sur le calendrier d’audiences.
c3) Saisir le juge par une déclaration au greffe, pour les petits litiges
Cette possibilité n’est ouverte que pour les litiges dont le montant ne dépasse pas 4000€ !
Il faut alors remplir le formulaire Cerfa n°11764*07, et le greffe convoquera les parties par une lettre recommandée avec avis de réception.
Pour plus d’informations n’hésitez pas à consulter : https://www.litige.fr/articles/declaration-au-greffe-tribunal-definition
c4) La requête conjointe 10
Les parties sont d’accord pour soumettre leur problème à un juge, elles décident ensemble de saisir le tribunal compétent
La requête conjointe se fait par lettre simple, et une seule lettre doit être rédigée pour l’ensemble des parties. Cette lettre est déposée au greffe du tribunal concerné (vous donnez la lettre au personnel indiqué au tribunal).
Des mentions sont obligatoires, comme l’état civil des parties, la juridiction saisie. Elle est signée et datée par toutes les parties. Il faut également y exposer les prétentions de chaque partie au litige, c’est-à-dire les demandes et les arguments qui viennent les appuyés.
Par exemple : Vous êtes d’accord avec votre famille sur le partage d’un héritage. Vous ne serez donc pas l’un contre l’autre au procès, vous demandez ensemble que le tribunal statue sur ce problème que vous lui soumettez.
c5) Faire une assignation : la voie la plus classique pour saisir le juge civil
Elle va permettre d’indiquer à son adversaire qu’on saisit la justice.
Des mentions doivent obligatoirement figurer dans cet acte 11.
Bien qu’un avocat n’est ici pas obligatoire, il est recommandé de se tourner vers le conseil d’un professionnel du droit (avocat, huissier …) afin d’être le plus rigoureux et le plus juste dans sa demande : si une mention manque, l’assignation est nulle.
L’assignation est un acte dit d’huissier de justice : c’est lui qui va le remettre à la justice pour saisir le tribunal. Faire déplacer un huissier de justice a un coût, qui est en moyenne de 80/90€ lorsqu’il ne rédige pas l’assignation.
Celle-ci doit être délivrée au moins 15 jours avant l’audience à l’autre partie, et être remise au greffe, c’est-à-dire au tribunal au moins 8 jours avant l’audience.
d) Agir Devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) :
Doit-on prendre un avocat ?
Avoir un avocat est obligatoire lorsque l’on doit saisir le tribunal de grande instance. Il connaît la procédure, il aidera dans les démarches et proposera au client la meilleure voie à suivre (renvoi à l’avocat). Ce sera lui qui rédigera, par exemple l’assignation, et qui vérifiera qu’un règlement à l’amiable a déjà été tenté.
Dans quels cas va-t-on au TGI ?
C’est la juridiction de droit commun : elle est compétente lorsqu’une autre juridiction n’est pas imposée, et lorsque le montant du litige est supérieur à 10 000€
Dans certains cas, il est le seul à pouvoir agir (on parle de compétence exclusive) 12 :
- Les problèmes en droit de la famille
- Les questions relatives à la propriété
- Les contrats
- La responsabilité civile notamment.
- article 2224 du code civil. ↩
- article 2226 du code civil. ↩
- article 2227 du code civil. ↩
- article L217-7 du code de la consommation. ↩
- article L114-1 du code des assurances. ↩
- Article L221-4 du Code de l’organisation judiciaire. ↩
- Articles R221-4 et suivants du Code de l’organisation judiciaire. ↩
- Articles 830 et suivants du Code de procédure civile. ↩
- Articles 829 et suivants du Code de procédure civile. ↩
- Article 57 du Code de procédure civile. ↩
- Articles 56 et 837 du code de procédure civile. ↩
- Article R211-4 du Code de l’organisation judiciaire. ↩