Autrefois, tout ce qui concernait l’acte médical relevait du pouvoir discrétionnaire des professionnels de santé.
Le patient ne bénéficiait d’aucun droit à être informé sur son état de santé et n’avait pas son mot à dire sur les soins prodigués. Envisagée comme un simple devoir déontologique, la divulgation d’une information médicale n’était soumise qu’à la seule volonté du médecin.
Le droit du patient à être informé sur son état de santé et son corollaire, l’obligation du médecin à informer son patient, est le fruit d’une longue élaboration jurisprudentielle consacrée par la loi Kouchner dite « sur les droits des patients » du 4 mars 2002.
Le patient, désormais impliqué dans la prise de décision des soins le concernant, doit disposer de toutes les informations relatives à son état de santé, car, c’est à lui et, sauf urgence, à lui seul, que reviendra la décision finale d’accepter, ou de refuser, un traitement ou une opération.
La reconnaissance de ce principe d’autonomie de la volonté du malade a renforcé l’obligation d’information du médecin qui au moindre manquement verra sa responsabilité engagée.
Les fondements de l’obligation d’information
Un devoir déontologique
Le code de déontologie médicale précise à l’article 35 que « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il propose. ».
Tout manquement à ce principe entraînera des poursuites disciplinaires.
Un principe jurisprudentiel
C’est dans l’arrêt Mercier du 20 mai 1936, que la cour de cassation reconnaît pour la première fois l’existence d’un contrat de soins liant tout patient à son médecin et, sur qui pèse désormais, l’obligation de prodiguer des « soins consciencieux, dévoués, attentifs et conformes aux données acquises de la science »
L’arrêt Teyssier rendu le 28 janvier 1942 par la chambre des requêtes de la cour de cassation, va préciser l’étendue de l’obligation d’information du médecin qui doit être délivrée avec clarté et humanité : « le devoir de conscience, au regard du respect de la personne humaine commande une information claire de son patient et du recueil de son consentement éclairé pour les soins envisagés et prodigués ».
À préciser : Le devoir d’information pèse indépendamment sur chaque professionnel de santé et ce, qu’il s’agisse du médecin, de l’anesthésiste, du chirurgien… Aucun intervenant dans le parcours de soins ne peut s’estimer être libéré de son devoir d’information au prétexte qu’un de ses confrères avait informé le malade.
Une obligation légale
Tant au niveau national qu’internationale les sources légales faisant référence de manière directe ou indirecte, à l’obligation d’information se sont multipliées au cours de ces dernières années.
Le devoir d’informer le patient est imposé par :
- Les articles L.1111-2, R. 4127-35 et R. 4127-36 du code de santé publique.
- L’article 16-3 alinéa 2 du code civil « Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».
- L’article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui impose, outre le « droit [de toute personne] à son intégrité physique et mentale », que « dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés […] le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon les modalités définies par la loi ».
- La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée à Nice le 7 septembre 2000.
- La convention sur les droits de l’homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997.
Le contenu de l’obligation d’information
Les critères du contenu de l’information sont précisés à l’article 35 du code déontologie médicale et souvent repris par la jurisprudence : « L’information doit être claire, loyale et appropriée ».
L’information est transmise au cours d’un entretien individuel et doit être comprise par le patient. Le médecin doit s’adapter tant à la personnalité, qu’au niveau de compréhension intellectuel et psychologique de son patient.
Car dispenser l’information n’est pas tout, il y a aussi l’art et la manière de l’annoncer. Ce qui requiert un minimum d’attention et d’humanité.
Toute information délivrée de manière brutale et/ou incomplète sera jugée fautive et source d’un préjudice moral.
Une patiente devait subir une ablation partielle du colon, mais suite à un accident cérébral survenu en cours d’opération les médecins ont opéré à l’ablation totale du colon. Il n’y avait pas d’alternative thérapeutique et l’ablation totale répondait à une urgence vitale.
Cependant, les juges ont sanctionné les conditions de délivrance de l’information qui s’est faite de manière brutale au milieu d’étudiants en médecine, sans que la patiente n’en comprenne le sens, jusqu’à ce qu’elle consulte son dossier médical (Cour administrative d’appel du 7 avril 2005).
L’information doit aussi intervenir au bon moment. Le législateur a prévu que le patient devait être informé tant avant, que pendant et après l’acte médical.
L’information préalable à l’acte médical
Le médecin est tenu d’éclairer le patient sur :
- Son état de santé : Préciser la pathologie dont est atteint le patient et de ses possibilités d’évolution.
- L’acte médical envisagé : Cela recouvre tous les soins et les examens pouvant être pratiqués avec une explication des résultats obtenus ; les traitements et les actions de prévention pouvant être envisagés au regard des avantages et des inconvénients ; leur utilité, l’urgence de les pratiquer…
- Les conséquences : il s’agit des risques fréquents ou prévisibles, et ce, du plus anodin au plus grave ; les solutions d’alternatives thérapeutiques et les risques encourus en cas de refus des actes proposés.
À noter : La jurisprudence civile et administrative était plus sévère puisqu’elle mettait à la charge du médecin l’obligation d’informer le patient sur tous les « risques graves même exceptionnels ». (1ère civ. 7 octobre 1998 – CE 5 janvier 2000). Alors que la loi Kouchner n’envisage que les risques « fréquents ou graves normalement prévisibles ». Le risque grave est celui dont les conséquences sont mortelles ou invalidantes.
Le cas particulier de la chirurgie esthétique
La jurisprudence reprise à l’article 6322-2 du code de la santé publique considère qu’un acte médical dénué de nécessité thérapeutique fait peser sur le médecin une obligation d’information renforcée. L’information s’étend à tous les risques et complications encourus, les tarifs pratiqués et un délai de réflexion légal de 7 jours.
L’information postérieure à l’acte médical
L’obligation d’information du médecin ne cesse pas avec l’opération.
Une fois réalisé, le médecin est tenu d’informer le patient sur la manière dont s’est déroulé l’acte médical. Si l’opération ne s’est pas passée comme prévu, le patient a droit à une information complète sur les causes et les conséquences que peuvent entraîner l’acte dommageable.
- L’article 1111-2 du code de santé publique étend l’obligation aux risques postopératoires, à toutes les précautions à prendre et au traitement pratiqué.
- L’article 1142-4 du code de santé publique impose en cas de dommage survenu postérieurement à l’acte médical un suivi du patient avec des entretiens devant s’effectuer tous les 15 jours.
- L’article 1111-7 du code de santé publique permet dans ce cas « à toute personne un accès direct à l’ensemble des informations concernant sa santé, détenues par les professionnels et les personnels de santé ». Dans tous les cas, le patient doit avoir accès à son dossier médical.
Précisions : L’information ne porte que sur les risques connus du médecin. Une connaissance évaluée aux regards des données acquises de la science.
Les bénéficiaires du droit à l’information
Les mineurs
Les mineurs bénéficient d’un droit à être informé et de participer à la prise de décision. Il appartient aux titulaires de l’autorité parentale de l’informer. Cependant, la loi du 4 mars 2002, permet aux mineurs que soit opposé à leurs parents le secret médical sur leur état de santé et permet aux médecins de réaliser des actes sans l’accord des parents.
Selon l’article L. 1111-5 du code de la santé publique, modifié par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016, « Par dérogation à l’article 371-1 du code civil, le médecin ou la sage-femme peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin ou la sage-femme doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin ou la sage-femme peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. »
« Lorsqu’une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire mise en place par la loi 99 641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, son seul consentement est requis. »
Les majeurs protégés
L’article 1111-2 du CSP prévoit que le médecin doit s’adapter aux capacités de discernement du majeur sous tutelle afin de recueillir son consentement au même titre que celui du tuteur.
L’information des proches, de la famille
Le principe est que l’information est due au patient et non aux tiers, tel que des proches ou la famille. La cour de cassation a rappelé que si le patient avait compris l’information et consenti à l’opération (à la suite de laquelle il est décédé), le médecin n’était pas tenu à l’obligation d’information envers la veuve ou les enfants du patient.
Ce qui suppose, a contrario que l’exception à cette règle de confidentialité est admise quand le patient n’est pas en état de consentir à l’intervention médicale (Cass, civ. 1ère 6 décembre 2007, n° 03-19.365).
Sauf en cas d’opposition exprès du patient, l’article 1110-4 du code de santé publique, prévoit qu’en cas de pronostic grave, le secret médical ne s’applique pas aux proches, aux personnes de confiance et à la famille du patient (déterminées par le patient lui-même comme le permet l’article 1111-6 du Code de santé publique) afin de lui apporter un soutien.
Précision : Si le médecin traitant dirige le patient vers un médecin spécialisé, il appartient à ce dernier d’informer le médecin traitant des résultats, des conclusions et suggestions d’un traitement adapté suite à l’examen pratiqué. Dans un arrêt, la cour de cassation a retenu la responsabilité d’un médecin radiologue qui, en ne transmettant pas les résultats d’une mammographie à son confrère, a entraîné un retard de diagnostic du cancer du sein de la patiente. (Cass, civ. 1ère 29 novembre 2005, n°04-13.805).
La preuve de l’information
Auparavant, c’était au patient de prouver qu’il n’avait pas reçu les informations suffisantes. Ce qui en définitive était impossible à prouver ! La jurisprudence va donc poser le principe de la charge de la preuve par un arrêt Hédreul (Cass, civ. 1ère du 25 février 1997 n°94-19. 685) qui fait peser sur le médecin la preuve qu’il a rempli son obligation d’information.
« Celui qui est légalement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de l’obligation… Le médecin est tenu d’une obligation d’information vis-à-vis de son patient et il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation. »
La jurisprudence dite Guyomar (Cass, civ, 14 octobre 1997 n° 95-19.609), va assouplir le régime de la preuve pesant sur le médecin en lui permettant de démontrer qu’il a rempli son obligation d’information « par tous moyens ». Ce principe est désormais codifié à l’article 1111-2 du code de santé publique.
Évalués à l’aune de présomptions précises graves et concordantes, la jurisprudence a ainsi pris en compte :
- Les longs entretiens avec la patiente qui avait manifesté des hésitations et des angoisses avant de décider de se faire opérer.
- Une correspondance entre confrères prévoyant des analyses complémentaires qui figuraient dans le dossier médical.
- Des courriers envoyés par le chirurgien au médecin traitant précisant qu’il avait informé le patient des troubles consécutifs au traitement.
A contrario, le refus d’un acte par le patient ne suffit pas à démonter qu’il a été suffisamment informé des conséquences encourues suite au refus.
Précision : Nous l’avons vu, l’information doit être délivrée au cours d’entretiens individuels. En cas de poursuites, se posera donc un problème de preuve. Les professionnels de santé, ont alors pris soins de se prémunir d’un écrit en vue de se préconstituer une preuve. Cela pourra être des formulaires d’information reprenant le protocole de soins… qui seront nécessairement signé du patient.
Cependant, ces documents ne constituent qu’un mode de preuve parmi tant d’autres. Ils ne lient pas le patient qui pourra valablement les remettre en cause.
D’un point de vue juridique, l’obligation d’information n’est pas entendue comme un inventaire à la Prévert recensant sur 30 pages tous les effets indésirables et tous les risques encourus, ni un condensé du Vidal pour les nuls. C’est un échange au cours duquel le « sachant », le médecin, partage ses connaissances avec un « profane », le patient, en se mettant à son niveau, afin de lui permettre de comprendre ce qui ne va pas dans son corps et lui expliquer comment il sera possible de le guérir.
De même, il faut savoir, que certains de ces documents peuvent comporter des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité : elles n’ont aucune valeur !
Rien ne peut exonérer le médecin de son obligation d’information. Si ce n’est… de dispenser une information claire, loyale et adaptée au cours d’un entretien individuel. À moins que le médecin, débiteur de l’obligation d’information, ne fasse valoir une exception légale.
Les limites de l’obligation d’information
Trois limites viennent tempérer ce droit à l’information.
L’article 1111-2 du code de la santé publique, modifié par la loi du 26 janvier 2016, ne reconnaît que deux cas permettant au médecin de limiter l’information due au patient : l’urgence et l’impossibilité d’informer. Tandis que l’article 1111-4 du code de santé publique accorde au patient le droit de ne pas être informé.
Le refus du patient d’être informé
Le droit de savoir a nécessairement pour corollaire le refus de savoir. De ce fait, le patient peut décider de ne pas être informé sur son état de santé. Sauf en cas de risque de transmission d’une maladie à des tiers.
Le médecin ne doit cependant pas se contenter d’un simple refus. Il doit l’informer des risques et des conséquences de son refus. Le patient peut aussi refuser les soins proposés. L’article 1111-4 du code de santé public prévoit l’obligation pour le médecin de respecter la volonté du malade qui peut refuser ou interrompre tout traitement, même si cela met sa vie en danger.
Cependant le médecin n’est pas délié de son obligation d’information, il doit alors préciser au patient tous les risques que ce refus entraîne et tout mettre en œuvre pour convaincre le patient de revenir sur sa décision. Le médecin ne sera exonéré de sa responsabilité que si le patient à été suffisamment éclairé (Cass, civ 1ère 15 novembre 2005).
L’empêchement du médecin à informer son patient
Cela concerne deux hypothèses distinctes :
L’urgence
Les articles L.1111-4 et R. 4127-9 du code de santé publique imposent au médecin d’agir même en l’absence du consentement du malade s’il y a un danger pour sa vie.
Cela recouvre le cas d’une personne inconsciente admise en urgence dans un établissement de soins. Si la personne est accompagnée de sa famille ou d’un proche, le médecin a la faculté et non l’obligation de recueillir leur avis.
L’impossibilité d’informer
Le médecin pourra agir sans le consentement du malade s’il est mis dans l’impossibilité de transmettre l’information au patient ou s’il est face à une exception thérapeutique.
Le problème de compréhension
Le terme d’impossibilité recouvre plusieurs notions, qu’il s’agisse d’une impossibilité de compréhension matérielle (avec un patient étranger) ou psychologique (diminution des facultés intellectuelles). La jurisprudence admet régulièrement que l’information donnée au patient soit limitée en psychiatrie (Cass, civ. 1ère 23 mai 2000, n° 98-18.513).
Cette impossibilité d’informer recouvre également les cas de conscience légitime du médecin face à un diagnostic ou pronostic grave : c’est « l’exception thérapeutique ».
L’exception thérapeutique
Prévu à l’ancien article 35 du code de déontologie médical, et désormais codifié à l’article R.2147-35 du code de santé publique, le peut médecin peut décider en toute conscience de retarder, de minimiser, voire de ne pas informer le patient sur son état de santé réel.
Cette disposition permet aux médecins, face à un risque de mort prochaine ou de pronostic grave, d’adapter leurs discours envers des patients psychologiquement fragilisés à qui l’annonce d’une mort imminente ou irrémédiable causerait un choc psychologique.
Ce pouvoir de limiter ou de retenir l’information n’est pas évident à mettre en œuvre. D’autant que ce choix légitime du médecin a des contours très troubles. Ainsi, la jurisprudence n’admet pas ce droit au silence au seul motif que l’opération était inévitable (Cass, civ. 1ère 18 juillet 2000 n°99-10.886). Ce choix même fait en conscience, ne doit être envisagé que du point de vue de l’intérêt du patient.
Mis à part ces exceptions, le patient bénéficie d’un droit à l’information devant lui permettre de s’associer à toutes les prises de décisions concernant son état de santé. En cas de manquement à son obligation d’information, le médecin, aura commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.