Deux chirurgiens en blouse bleue et en équipement de protection opèrent sous les lumières vives de la salle d’opération, avec des instruments médicaux sur un plateau à proximité.

La Faute constitue avec le préjudice et le lien de causalité, la sainte trinité de la responsabilité civile.

La faute est la pierre angulaire de la responsabilité médicale. Mais elle reste difficile à caractériser du seul fait qu’il y a toujours une part d’aléa inhérent à l’acte médical.

C’est la raison pour laquelle le régime de la responsabilité sans faute est étudiée avec l’aléa thérapeutique et que la faute due à un défaut d’information est développée sur une page dédiée.

Le principe de la responsabilité médicale pour faute

Le principe selon lequel le médecin est responsable des fautes commises à l’occasion des soins prodigués est posé par un arrêt de la Chambre des Requêtes de la Cour de Cassation en date du 18 juin 1835.

L’arrêt Mercier du 20 mai 1936, précise que le fondement de cette responsabilité est contractuel : «  Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement sinon bien évidemment de guérir le malade (…) du moins de lui donner des soins non pas quelconques (…) mais consciencieux attentifs et, réserves faites de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ».

La jurisprudence ne cesse de rappeler que la responsabilité du médecin n’est engagée qu’en raison de sa faute (Cass. Civ., 1ère, du 22 novembre 2007) à laquelle elle donne au fil des décisions une appréciation de plus en plus large.

Des principes repris par le législateur avec la loi 2000-303 du 4 mars 2002 dite loi “Kouchner” relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ainsi que la loi 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé et sa circulaire DGS n/ 2005/123 du 7 mars 2005.

L’article 2226 du Code civil, prévoit qu’un patient peut engager la responsabilité civile d’un professionnel ou d’un établissement de santé dans les 10 ans suivant la consolidation du dommage (quand l’état du patient s’est stabilisé). Ainsi, la prescription ne court pas toujours à compter du jour de l’opération ou de la prise du traitement.

La preuve de la faute

La charge de la preuve pèse sur le patient. C’est donc à lui qu’il revient de prouver la faute. « la responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d’une faute commise dans l’accomplissement de l’acte médical » (Cass. civ., 1ère du 4 janvier 2005, n° 03-13.579).

Toute faute aussi légère soit-elle pourra être retenue à l’encontre du médecin.

L’aménagement de la charge de la preuve

Elle consiste à opérer un renversement de la charge de la preuve en matière :

D’obligation d’information

En cas de faute, il appartient au médecin de rapporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation.

De présomption d’imputabilité

Quand la faute ne peut pas être établie avec certitude elle pourra être déduite de la manière dont a été exécuté l’acte médical : C’est la présomption d’imputabilité.

Certains actes médicaux sont réputés simples à réaliser. Ainsi à défaut de démontrer qu’une difficulté imprévue est survenue en cours d’opération, le médecin sera présumé avoir commis une faute.

C’est ainsi que la jurisprudence a retenu qu’un chirurgien-dentiste, tenu à une obligation de précision dans son geste de chirurgie dentaire, a commis une faute si une simple extraction de dent provoque chez le patient des atteintes labiales et neurologiques (Cass. civ., 1ère du 9 octobre 2001, n° 99-20.826).

Dans une affaire similaire (pour un nerf sublingual lésé lors de l’extraction d’une dent), la cour de cassation a retenu que « l’extraction de la dent n’impliquant pas les dommages subis par la patiente, il en résultait en faveur de celle-ci une présomption d’imputabilité du dommage à un manquement fautif du praticien » (permettant de) déduire l’imputabilité du dommage à l’imprécision du geste médical » (1re Civ., 17 janvier 2008, pourvoi n° 06-20.568).

Un praticien ayant au cours d’une ligamentoplastie d’un genou, sectionné l’artère poplitée moyenne de la patiente, avait commis une faute dès lors que rien ne démontrait que cette artère présentait une anomalie rendant l’atteinte inévitable (Cass. civ., 1ère du 23 mai 2000, n° 98-19.869).

Les caractères de la faute

Bien avant la loi du 4 mars 2002, la jurisprudence a affirmé que la responsabilité médicale reposait sur la démonstration d’une faute évaluée au regard d’une pratique exercée par des soins conformes aux données acquises de la science.

L’article L.1142-1 du Code de la santé publique dispose que la faute est due aux « conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins».

Les juges ont étendu la portée de cette obligation :

  • Aux investigations (examens préalables…)
  • Au traitement
  • Au suivi de ce traitement
  • Aux soins post-opératoires.

La loi fixe l’étendue du domaine de la faute sans pour autant la définir. Il faut donc se référer à la jurisprudence.

Pour apprécier la faute médicale les juges font un raisonnement par analogie (comme ce Bon père de famille en droit civil) et se réfèrent à ce qu’un médecin normalement compétent et vigilant, agissant conformément aux données acquises de la science et aux règles de l’art, aurait fait s’il avait été confronté aux mêmes conditions.

La responsabilité médicale peut être retenue pour une faute simple du médecin en cas d’erreur, de retard de diagnostic, de maladresse, d’imprécision, tant dans le choix et la mise en œuvre du traitement que dans la maîtrise de l’acte médical.

Les cas où la faute a été retenue

Tout geste imprécis, maladroit, tout retard de diagnostic… constituent une faute.

Un retard de diagnostic suffit à démontrer que le médecin n’a pas apporté toute la diligence et l’attention nécessaire à son obligation contractuelle. Dans une espèce, un patient a soulevé la responsabilité de son médecin ayant diagnostiqué un cancer de la prostate en 2007 alors que « des résultats de l’examen de santé pratiqué en 2002, (mentionnaient) des signes cliniques susceptibles d’évoluer vers un cancer de la prostate ». (Cass. civ., 1ère du 6 avril 2016, n°15-14.253).

Un retard à prescrire des examens complémentaires (Cass. civ., 1re Civ., 26 mars 1996)

Une interprétation erronée des symptômes observés au regard des données acquises de la science (1re Civ., 8 juillet 1980).

La faute sera déduite de la maladresse du praticien quand la simplicité de l’acte, telle qu’une coloscopie, entraîne une perforation (Cass. Civ., 1ère du 21 février 2006, n° 04-20.685). Ou la déchirure de la trachée lors d’une intubation, (Cass. civ., 1ère du 9 avril 2002, n° 00-21.014) ; voire, exercé avec une brutalité ayant causée une perforation et une lésion des nerfs (17 janvier 2008) ; Ou l’atteinte portée à un organe qu’il n’était pas nécessaire de toucher pour mener à bien l’intervention (Cass. civ., 1ère du 23 mai 2000).

À noter :

La faute pourra être à l’origine de poursuites pénales pour homicide involontaire. Il a été jugé qu’un médecin de garde n’ayant pas pris les dispositions nécessaires pour être joint, exposait les patients dont il avait la garde à un risque d’une particulière gravité (Cass. crim., 13 février 2007, n° 06-81.089).

Cependant, la faute sera exclue si le médecin démontre qu’il a agi dans les règles de l’art.

Les cas où la faute n’a pas été retenue

La faute médicale sera exclue toutes les fois que « l’intervention était conforme aux règles de l’art ». Ainsi, même pour un acte simple (opération de varices) quand la lésion est due à une particularité anatomique « du nerf (situé) plus bas que la normale » La faute ne sera pas retenue.

Arrêt du 14 juin 2005, la 1ère Chambre civile

La faute ne sera pas retenue si « l’intervention avait été menée suivant une technique éprouvée avec les précautions habituellement recommandées, que la tactique du praticien avait été raisonnable au vu des difficultés rencontrées, qu’aucune erreur, imprudence, manque de précaution nécessaire, négligence ou autre défaillance fautive ne pouvait être retenue à son encontre » (Cass. civ., 1ère du 29 novembre 2005, n°03-16.308).

Il a été retenu que la lésion d’un nerf constitue un risque inhérent à l’intervention et n’engage pas la responsabilité du médecin (Cass. 18 septembre 2008).

Un arrêt du 30 mars 2007 de la Cour administrative d’appel de Nantes a précisé que le retard de diagnostic n’est pas fautif quand ce diagnostic est difficile à poser et que les soins et examens ont été conformes aux données acquises de la science.

À noter :

En matière de chirurgie esthétique et dès lors que la finalité de l’intervention n’est pas thérapeutique le médecin doit respecter le principe de proportionnalité qui doit le conduire à refuser l’opération quand il existe une disproportion entre les risques encourus et les résultats aléatoires envisagés (Cour d’appel de Paris 16 juin 1995).

En l’absence de faute prouvée du chirurgien, la Cour conclut à un aléa thérapeutique inhérent à l’intervention. Nous sommes alors dans un régime de responsabilité sans faute.

L’absence de faute ne signifie pas que le patient ne sera pas dédommagé. Son préjudice sera pris en charge par la solidarité nationale en saisissant l’ONIAM.

L’aggravation de l’état de santé

La faute sera retenue si elle contribue à aggraver l’état de santé du patient. Il pourra s’agir d’une erreur de prescription, de dosage, d’un défaut de surveillance…

Ainsi, le Conseil d’état a retenu que la prescription répétée de médicaments en dehors des indications thérapeutiques constitue un manquement à l’honneur et à la probité du médecin (arrêt du 19 septembre 2007)

Le défaut de surveillance d’un patient présentant un taux de glycémie élevé constitue une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal pour un homicide involontaire suite au décès du patient (Cass. crim.,12 septembre 2006). Ou un défaut de surveillance du patient au stade post-opératoire (Cass. crim., 13 février 2007, n° 06-82.202)

Lorsqu’une faute est à l’origine d’une aggravation d’un dommage déjà constitué seule cette aggravation ouvre droit à réparation et la victime ne peut prétendre à une indemnisation totale.

Une réparation partielle a été accordée dans un cas où le pédiatre avait prescrit un gavage par sonde gastrique à un enfant victime d’un accident d’hypoglycémie quelques heures après sa naissance alors que sa situation nécessitait une perfusion ; cette faute n’était pas à l’origine de l’entier dommage mais seulement de son aggravation car l’enfant présentait déjà de séquelles irréversibles. (Cass. crim., 21 mars 2006)

La faute de la victime

La faute du patient peut justifier un partage de responsabilité qui ne lui ouvrira droit qu’à une réparation partielle.

Dans une espèce, une compresse avait été oubliée dans l’abdomen de la patiente après une opération. La responsabilité de l’hôpital a été retenue mais, la patiente n’ayant pas suivi les prescriptions de son médecin qui lui demandait de faire une radio de son abdomen après l’opération a également été reconnue fautive et n’a eu droit qu’à une réparation partielle. Si elle avait suivi les prescriptions de son médecin, il aurait enlevé la compresse et empêché les complications qui ont suivies.

Psychiatrie

Le psychiatre chargé au sein d’un établissement de suivre un patient doit prescrire des mesures de soins et de surveillance appropriées à l’état de ce dernier; il engage sa responsabilité en cas de suicide lorsque ces mesures n’ont pas été prises parce qu’il n’a pas suffisamment informé le personnel soignant sur les risques » (Cass. civ., 1ère du 21 juin 2005).

Ainsi, en cas d’agression d’un patient par un autre la responsabilité d’un établissement psychiatrique ne sera retenue que s’il est démontré qu’il y a eu faute dans l’organisation et le fonctionnement du service. 14 novembre 2006 la Cour administrative d’appel de Bordeaux

Il doit être observé que la responsabilité du psychiatre tend à s’étendre dangereusement. Récemment, un psychiatre a été poursuivi au pénal pour les actes commis par un de ses patients à l’extérieur de l’établissement.

La faute du Service

Il s’agit d’une faute commise dans l’organisation du service.

Elle est due à un défaut de surveillance, de présence, de compétence médicale, ou d’insuffisance des moyens fournis par la clinique ou l’hôpital.

Il a été retenu que le dommage subi par une patiente était dû à un défaut dans l’organisation du service de la clinique privée. Dans cette espèce, les médecins s’étaient absentés et ne sont intervenus que tardivement pour répondre à une difficulté survenue en cours d’accouchement (Cass. civ., 1ère du 15 décembre 1999, n° 97-22.652).

Démarche à suivre pour une victime d’erreur médicale

Prothèse dentaire mal implantée, infection nosocomiale, chirurgie esthétique ratée, personne n’est à l’abri d’une faute ou d’une erreur médicale. De ce fait, il est important que chacun sache la conduite à tenir s’il se retrouvait dans une telle situation.

  • Discutez avec le professionnel de santé concerné : la première initiative à prendre est de demander une réparation au médecin concerné. Pour qu’il rattrape son erreur ou sa négligence. Ceci au travers d’une nouvelle intervention ou d’un dédommagement.
  • Demandez une copie de votre dossier médical : dans le cas où la discussion avec le professionnel n’a pas été concluante, demandez une copie de votre dossier médical. Ceci en envoyant une lettre recommandée avec accusé de réception, ou par courrier, selon qu’il s’agisse d’un cabinet médical, d’un hôpital ou d’une clinique.
  • Débutez les démarches à l’encontre de votre praticien : si grâce à un contrat multirisque habitation ou par le biais de votre complémentaire santé, vous bénéficiez d’une garantie protection juridique, et donc une assistance juridique, alors soumettez l’affaire à ces instances qui s’en chargeront. Sinon, contactez la CRCI (commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux) pour une tentative de conciliation. Cette conciliation n’est possible que si le dommage n’est pas grave et si le praticien désire coopérer. Cependant, pour une action plus rapide et efficace, ayez recours aux services d’un avocat. Il vous faudra trouver un avocat spécialisé en droit médical.
  • Contactez l’assureur de votre praticien : pour résoudre votre problème à l’amiable, aidé de votre avocat, contactez l’assureur de votre professionnel de santé pour vous faire dédommager. Néanmoins, cette procédure n’est réalisable que si vous bénéficiez d’un contrat de protection juridique.
  • Saisissez la justice : si toutes ces tentatives de résolution à l’amiable s’avèrent infructueuses, alors avec l’aide de votre avocat, vous allez devoir saisir le tribunal administratif (si votre litige vous oppose à un hôpital public), ou le tribunal d’Instance (si votre litige vous oppose à un médecin de ville ou à une clinique).

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Un commentaire

  1. Bonjour, mon époux est arrivé aux urgences avec une toux diagnostiquée depuis deux semaines bronchites. Aux urgences ils sont passés a coté de l’EEG ET RADIO qui montrait bien qu’il y avait un soucis au coeur; 4 jours après il était admis aux urgences insuffisance cardiaque sévère. Bien sur elle était déjà présente quand il est venu aux urgences et ils sont passés a coté.
    A suivi un AVC MASSIF 6 jours après.
    Qu’en est il ?
    Il y a faute du médecin urgentistes ça c’est assuré par deux médecins experts internes à l’assurance.Mais vont ils considéré que la pathologie était la et que ça n’aurait rien changé? OU Vont ils considéré que le diagnostique a été retardé et que tout aurait pu être différent?
    Bien cordialement.

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