L’innovation majeure instaurée par la loi Kouchner de 2002 sur les droits des patients (avec le droit à l’information…) était de permettre à toute personne un accès direct à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par les professionnels de santé.
L’article 1111-7 du code de santé publique prévoit que toutes les informations « qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».
Le principe est que chaque professionnel de santé doit établir un dossier médical contenant toutes les informations concernant le suivi médical de ses patients. Ces dossiers comprennent les comptes rendus de consultations, les résultats d’examens, d’exploration, d’hospitalisation ou d’intervention, ainsi que les prescriptions, les traitements suivis, les correspondances avec d’autres professionnels de santé intervenant dans la prise en charge thérapeutique du patient…
Tous les documents gardés par le médecin ne relèvent pas du dossier médical. Les simples notes seront considérées comme personnelles si elles ne sont pas en lien avec le diagnostic, le traitement… du patient. Ainsi que toutes informations recueillies auprès de tiers qui n’interviennent pas dans le suivi thérapeutique du patient.
Ainsi, chaque patient possède en réalité plusieurs dossiers médicaux le concernant qui sont détenus par tous les praticiens (médecin traitant, dentiste, gynécologue…) ou établissements de santé qu’il a consultés.
À savoir :
L’assurance maladie détient pour chaque assuré un Dossier Médical Partagé (DMP) qui regroupe tous les actes médicaux effectués via la carte vitale. Il ne faut pas le confondre avec le dossier médical tel que l’entend la loi, mais plutôt d’un carnet de santé informatisé accessible aux médecins qui suivent l’assuré concerné. Actuellement, il ne peut être ouvert et fermé qu’à la demande de l’assuré et accessible aux seuls professionnels de santé de son choix. Le DMP est toujours en cours de développement et n’est pas encore accessible sur tout le territoire.
Les personnes autorisées à accéder au dossier médical
Sont autorisés à consulter le dossier médical :
Le patient lui-même.
Si c’est un majeur bénéficiant d’ un régime de protection :
– Sous tutelle, le tuteur pourra le consulter ou le médecin traitant si le patient l’a désigné comme mandataire.
– Sous curatelle le majeur peut exercer seul tous les actes de la vie courante, dont la consultation de son dossier médical.
Si c’est un mineur :
Un mineur peut toujours consulter son dossier seul, de même que son représentant légal ou le mandataire que le mineur a désigné (le médecin traitant…).
Le mineur peut s’opposer à ce que ses parents consultent tout, ou une partie, de son dossier médical. Le personnel soignant peut l’en dissuader mais s’il n’y parvient pas, la volonté du mineur devra être respectée et annotée sur le dossier.
Le conseil d’État s’est prononcé sur le droit d’une mère à accéder au dossier de sa fille sur le fondement de l’article 1111-7 du code de santé publique. La jeune fille, mineure qui était soignée contre l’avis de sa mère (son représentant légal), s’était opposée à la transmission complète de son dossier médical. La mère n’a pu accéder qu’aux informations pour lesquelles sa fille avait donné son consentement.
Les modalités de la consultation
Pour consulter un dossier médical, il faut adresser la demande par courrier directement au professionnel de santé (le médecin) ou au responsable de l’établissement où ont été pratiqués les soins. Le patient doit annexer une preuve de son identité à la demande.
Le patient pourra être assisté d’un autre médecin de son choix lors de la consultation afin d’être éclairé sur toutes les informations que contient le dossier. La consultation du dossier pourra avoir lieu sur place et sera gratuite sauf si le patient demande des copies qui elles seront payantes.
À noter :
Très souvent, les données médicales seront stockées chez un prestataire totalement extérieur du service ou du médecin. La demande devra lui être adressée en précisant la qualité du demandeur, la preuve de son identité. La réponse doit être envoyée dans les 8 jours pour un dossier récent (moins de 5 ans) et de 2 mois s’il remonte à plus cinq ans.
S’agissant de données personnelles (conservées sur support papier ou dématérialisées) l’hébergeur doit être agréé. Cependant il faut savoir que depuis le 28 janvier 2016, il n’y a plus lieu de recueillir l’accord des patients pour stocker leurs dossiers chez des prestataires extérieurs, car leur consentement est désormais présumé. S’agissant d’informations couvertes par le secret médical, ces hébergeurs ne peuvent ni vendre ni transférer ces données personnelles sous peine de sanctions pénales.
En cas d’envoi par courrier postal, ou sur CD rom, il sera demandé au patient le coût de la reproduction et de l’envoi.
La consultation du dossier médical d’un patient décédé
Le dossier d’un majeur décédé peut être consulté par ses ayants droits, son conjoint ou son partenaire de PACS.
Celui d’un patient mineur décédé pourra être consulté par ses représentants légaux
Mais, qu’il soit mineur ou majeur, il sera tenu compte de la volonté du défunt. Si ce dernier entendait en limiter l’accès, ses ayants droits ne pourront accéder qu’aux informations autorisées.
Concernant l’intervention des ayants-droit (tous les successeurs légaux du défunt), la loi ne leur autorise l’accès au dossier médical que dans trois cas précis :
- Connaître les causes du décès
- Faire valoir leurs droits (justice, assurances…)
- Rétablir la mémoire du défunt
Cependant, ils n’auront droit qu’à un accès restreint du dossier médical. Seules leur seront accessibles les pièces répondant à l’un des 3 buts poursuivis.
À noter :
Ce droit d’accès au dossier médical accordé tant au patient qu’à son représentant légal ou ses ayants-droit peut aussi s’exercer par le biais d’un mandataire (en général un autre médecin) s’il justifie de son identité et qu’il est muni d’un mandat exprès (CE 26 décembre 2005 n°270234)
Les limites légales d’accès au dossier médical
Le principe posé par la loi Kouchner de 2002, est que le patient doit avoir accès à l’ensemble de son dossier médical.
Cependant tout détenteur du dossier pourra s’opposer, pour de justes motifs, à sa consultation ou en limiter l’accès.
Un établissement de soins peut en refuser l’accès. Mais ce refus doit être motivé, et un certificat médical devra être délivré. Cependant, son contenu sera très limité compte tenu du secret médical auquel sont soumis les professionnels de santé.
Pour des raisons légitimes évaluées en conscience, le code de déontologie permet aux médecins de retenir toute information préjudiciable en cas de diagnostic ou de pronostic grave envers le patient.
Cela signifie que le médecin pourra s’opposer à ce que le patient ait un accès direct à son dossier s’il estime que la divulgation des informations pourraient s’avérer dangereuses pour lui.
Cela ne concerne que le patient. Le médecin faisant valoir un cas de conscience pourra, soit renseigner des tiers directement (médecin traitant, famille …), soit recommander que la consultation soit faite en présence ou par le biais d’une tierce personne (médecin traitant… ).
En tout état de cause et ce, quel qu’en soit la raison, tout refus pourra être contesté.
Les recours en cas de refus ou de retard dans la communication du dossier
Si l’on vous refuse l’accès au dossier médical vous bénéficiez de deux procédures distinctes selon que le détenteur du dossier est un établissement public, privé, ou par un médecin libéral exerçant en cabinet.
L’établissement public
Si le dossier médical est détenu par un hôpital, une clinique (relevant du service public hospitalier), voire une maison de retraite (dont beaucoup sont médicalisées), il faudra saisir la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).
La demande doit être accompagnée de tous les éléments justificatifs (identité du patient, date d’hospitalisation, lettre de demande, courrier de refus…).
L’Établissement privé
Tous les établissements privés (cliniques…) ont une commission interne pouvant statuer sur ces recours. À défaut de réponse ou en cas de refus de la commission, il faudra s’adresser au ministère de la santé qui est l’administration de tutelle des établissements santé de droit privé.
La demande devra être adressée à la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins en y joignant tous les documents utiles (identité du patient, informations sur l’établissement, date des soins, courrier de refus…).
Le médecin libéral
En cas de refus du médecin exerçant en cabinet ou du dentiste, vous pourrez saisir au choix ou cumulativement :
- Le conseil de l’Ordre départemental des médecins ou des dentistes.
- Le Tribunal de Grande Instance du lieu d’établissement du médecin ou du dentiste en référé
- La Commission Nationale de l’Informatique et des libertés (CNIL)
- Les Établissements psychiatriques
La procédure d’accès au dossier médical d’un patient souffrant de troubles psychiques et hospitalisé sans son consentement est encadrée par la circulaire du 14 février 2005.
En cas de soins dispensés en raison de troubles mentaux en établissement psychiatrique (qu’il s’agisse d’une hospitalisation sur demande de tiers (HDT), d’office (HO)…), la présence d’une tierce personne (un médecin) sera imposée au patient toutes les fois qu’il existe « des risques d’une particulière gravité » à laisser le patient consulter seul son dossier.
La présence du médecin l’aidera à comprendre les informations contenues dans le dossier (prescriptions, pathologies…).
Si le patient refuse la présence du médecin pour l’accompagner dans la consultation du dossier, il appartient à l’établissement hospitalier de saisir la Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques (CDHP) dont la compétence est de veiller au respect de la dignité et des libertés individuelles des personnes hospitalisées en psychiatrie.
Une fois rendu, l’avis de la CDHP est définitif et insusceptible de recours, il s’imposera tant à l’établissement qu’au patient.
Le délai de conservation du dossier médical
À noter :
Aucune disposition légale n’oblige les médecins exerçant en cabinet de durée durant laquelle ils sont tenus de conserver les dossiers de leur patients. Cette obligation n’a été prévu que pour les établissements de soins, publics ou privés.
En principe les établissements publics et privés sont tenus de garder les dossiers médicaux pour une durée de 20 ans à compter du dernier acte pratiqué ou de la dernière consultation du patient. Mais d’autres délais trouvent à s’appliquer :
- Pour un mineur âgé de moins de 8 ans, le dossier est gardé jusqu’à ce qu’il ait atteint sa 28ème année.
- En cas de décès survenu moins de dix ans après l’acte médical pratiqué, l’établissement de soins doit conserver le dossier 10 années à compter de la date du décès.
- Si une transfusion a eu lieu lors de l’hospitalisation, le dossier médical doit être conservé pendant 30 ans
- Une fois ces délais dépassés il appartient au directeur de l’établissement après avis du médecin responsable de l’information médicale de procéder à la destruction des dossiers médicaux.
À noter :
En cas d’action en justice contre l’établissement de santé ou les professionnels de santé (Faute médicale…), tous les délais sont suspendus.
Le dossier médical qui peut être saisi par la justice ne peut plus être détruit jusqu’à l’obtention d’un jugement définitif.