Autoportrait peint d'un homme avec un bandage sur l'oreille et la joue, portant un chapeau bleu et un manteau vert. Une affiche illustrée en couleurs se trouve en arrière-plan.

Protéger le faible sans jamais le diminuer

La liberté d’agir est un principe fondamental, mais il arrive que cette liberté soit restreinte dans l’intérêt de certaines personnes fragilisées ou rendues vulnérables par une maladie physique ou psychologique, la vieillesse, des difficultés sociales ou une méconnaissance de ses obligations familiales.

Pour les protéger de tout acte irréfléchi ou préjudiciable à leurs intérêts, le droit va encadrer tous les actes relatifs à leurs biens et/ou à leurs personnes.

La capacité

Le principe : Toute personne dispose d’une capacité juridique

Le terme de « capacité » n’est pas synonyme de « pouvoir » mais d’aptitude. Toute personne est réputée apte à jouir et à exercer ses droits.

Selon l’article 8 du code civil, tout « français jouira des droits civils ». La capacité de jouissance est l’aptitude à être titulaire d’un droit (être désigné comme héritier…) et il s’acquiert dès la naissance.

L’article 414 du code civil précise que « la majorité est fixée à 18 ans accomplis ; à cet âge chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance ». La capacité d’exercice est l’aptitude à exercer ses droits (conclure un contrat…) et il s’acquiert dès sa majorité.

L’exception : Les majeurs protégés

Les personnes vulnérables (au même titre que les mineurs non émancipés)  auront toujours une capacité de jouissance mais leur capacité d’exercice sera limitée dans leur propre intérêt.

Selon l’article 425 du code civil, cela concerne les personnes qui sont «  dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Un majeur protégé est donc une personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée. Elle pourra cependant, selon le régime de protection, passer des actes et exercer ses droits :

  • seule (reconnaissance d’un enfant…)
  • avec une assistance : Elle passe un acte seule mais quelqu’un est à ses côtés et cosignera l’acte pour veiller à ses intérêts (curatelle)
  • avec représentation : L’acte est passé par un tiers agissant pour le compte et dans l’intérêt de la personne protégée (tutelle).

L’évolution législative

La première législation en la matière est la loi Esquirol du 30 juin 1838 sur l’internement des aliénés, puis vint la grande réforme du doyen Carbonnier du 3 juin 1968.

Mais au fil du temps, des dérives notables ont été constatées avec la mise sous tutelle quasi systématique de personnes surendettées, toxicomanes, alcooliques… Jusqu’à aboutir à un engorgement significatif de la juridiction des tutelles puisqu’on dénombrait encore 700 000 dossiers en cours en 2008 !

La loi n°2007-308 du 5 mars 2007 (entrée en vigueur en 2009) a profondément modifié, encadré et simplifié le régime des majeurs protégés.

La modification la plus significative tient aux termes utilisés pour désigner ces majeurs. Les mots de folie, démence, aliénation mentale, indigence, intempérance, oisiveté, incapables… ont tous été abandonnés par le législateur en faveur de termes génériques tels que « l’altération des facultés personnelles ou mentales » et de « personnes vulnérables ».

La réforme de 2007 élaborée sur le strict respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité humaine s’appuie en priorité sur la famille et les proches du majeur protégé pour exercer la mesure de protection. Une tendance confirmée avec la création par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 de l’« habilitation familiale » plus souple à mettre en œuvre qu’une tutelle ou une curatelle. Ce n’est qu’à défaut de soutien familial que le juge des tutelles pourra désigner un mandataire judiciaire à la protection des personnes majeures (MJPM) dont la fonction a été entièrement réorganisée.

Le législateur a également recadré les pouvoirs du juge des tutelles. Il ne peut plus se saisir d’office, il doit se conformer à l’avis d’un médecin expert, référer de toutes ses décisions au service civil du parquet et surtout vérifier si les conditions légales sont réunies pour l’ouverture d’une mesure de protection.

Les principes directeurs du régime de protection des majeurs

Le principe de subsidiarité

L’idée est que le régime de protection des majeurs ne trouvera à s’appliquer qu’en dernier ressort, si aucune autre alternative ne permet de préserver leurs intérêts.

L’article 428 du code civil dispose que la mesure de protection «  ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux (…) par une autre mesure de protection judiciaire moins contraignante (…) ».

Le principe de nécessité

L’article 415 du code civil, « les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire ».

Ce principe de nécessité est conditionnée par l’existence d’une altération des facultés mentales ou physiques médicalement constatée. Le législateur soumet la recevabilité de l’ouverture d’un régime de protection à l’avis conforme d’un médecin. Et pas n’importe quel médecin, il doit figurer sur une liste établie annuellement par le procureur de la république.

Il doit rendre un avis circonstancié sur les facultés mentales et/ou physique du majeur au regard des dispositions fixées à l’article 1218 du code de procédure civile.

À noter : Si le majeur refuse de se soumettre à l’examen médical, rien ne peut l’y obliger. Le juge des tutelles ne pourra pas statuer sur l’opportunité d’un régime de protection et donc, ne pourra pas instaurer de mesures en sa faveur.

La jurisprudence antérieure à la loi de 2007 accordait au juge le pouvoir de placer un majeur sous tutelle qui refusait de se soumettre à ces examens médicaux. Désormais, les juges de cassation, appliquant strictement les textes qui soumettent l’ouverture d’un régime de protection à l’évaluation médicale du majeur, refusent qu’un majeur soit placé d’office sous régime de protection au nom des principes fondamentaux régissant les droits des personnes.

L’absence de représentation

Des mécanismes juridiques permettent de pallier à la vulnérabilité d’une personne en permettant à un tiers de le représenter et donc d’agir pour lui.

Le mandat

Il faut vérifier si les mandats accordés par le majeur à ses proches par le biais de procurations suffisent à préserver ses intérêts (gestion de ses banques bancaires, prélèvements automatiques pour le paiement de ses charges courantes…).

À noter : Sauf avis contraire du juge des tutelles, ces mandats ne seront pas révoqués et produiront leurs effets durant toute la procédure jusqu’à l’ouverture effective du régime de protection.

Le régime matrimonial

Si le majeur est marié, les articles 217 et 219 du code civil relatifs au régime matrimonial prévoient déjà un système de représentation qui autorise un époux en cas de défaillance de son conjoint, de le représenter pour effectuer tous les actes de la vie quotidienne.

Si aucune de ces dispositions n’est envisageable, il sera alors possible de saisir le juge des tutelles qui devra choisir parmi tous les régimes envisageables le plus adapté au majeur devant être protégé.

Le principe de proportionnalité et d’individualisation de la mesure

Article 428 alinéa 2 du code civil « la mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’individu ».

La mesure la moins contraignante

La mesure de protection doit être graduée en fonction de la capacité de discernement du majeur. Il appartient au médecin de proposer au juge la mesure la plus appropriée.

Le majeur doit pouvoir s’exprimer sur toutes les mesures envisagées, qu’il s’agisse du choix du régime ou de la personne chargée de l’exécuter, l’avis du majeur ne peut plus être ignoré.

Une mesure limitée dans le temps

L’article 439 du code civil limite la sauvegarde de justice à 1 an, avec la possibilité de la renouveler une seule fois (donc 2 ans maximum).

L’article 441 du code civil prévoit de limiter une mesure de tutelle ou de curatelle à 5 ans.

À l’issue des cinq années, le juge doit systématiquement réexaminer la situation du majeur protégé et pourra la renouveler soit :

  • pour une nouvelle durée de 5 ans
  • pour une période plus longue si au regard de l’avis médical  » l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science « .

En l’absence de réexamen, la mesure est caduque. Pour la renouveler il faudra reprendre la procédure depuis le début.

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Un commentaire

  1. La juge des tutelles à statue sur le cas de ma fille sans sa présence puisque elle était malade …
    Est ce normal ?
    Vice de forme ?

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