Les bonnes relations entre voisins sont un juste équilibre. Pour le maintenir il existe des règles. Malheureusement, celles-ci ne sont pas toujours respectées.
Par conséquent, dans cet article nous allons d’une part nous intéresser aux troubles anormaux du voisinage (I). En précisant comment juridiquement en déterminer un (A). Mais aussi en expliquant comment agir contre ceux-ci (B).
Et d’autre part, nous aborderons l’abus de droit de propriété (II) en définissant cet abus (A,B) pour mieux pouvoir le faire cesser (C)
I) Les troubles anormaux du voisinage (exemples)
- Nuisances sonores de vos voisins (tapages nocturnes, aboiements répétées, bruits de pas constatés par huissier, etc.)
- Des plantations gênantes
- Des nuisances odorantes, une exposition anormale à la poussière
- Des nuisances visuelles : une enseigne lumineuse placée sous votre fenêtre éclairant votre logement, ou au contraire un élément nouveau gêne votre vue ou l’ensoleillement de votre habitat, etc.
- Des désordres et dérangements de façon générale
A) Comment déterminer s’il s’agit d’un trouble anormal du voisinage (au sens du droit)
Attention: Il ne s’agit pas nécessairement d’une faute de la part de votre voisin. On parle d’un trouble anormal.
Quand est-ce qu’un trouble est-il considéré comme anormal ?
«Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ou encore excédant les inconvénients normaux du voisinage» 1. Il faut donc assurer une certaine tranquillité de voisinage : un voisin ne peut imposer à un autre une gêne trop importante.
Même si une activité est en principe autorisée, elle peut constituer un trouble anormal pour le voisinage : on parle de responsabilité sans faute, puisque celle-ci n’est pas à démontrer.
Pour pouvoir être considéré comme anormal, ce trouble doit être soit important, soit répétitif. Par exemple, un trouble sonore sera considéré comme anormal s’il est fréquent et durable.
Ce peut être un trouble futur (on parle alors de principe de précaution) : si vous craignez un trouble sanitaire, une pollution, etc.
Il doit être aussi pris en compte les circonstances liées au temps (le bruit est-il constaté la nuit ? Le jour ?), mais aussi de lieu (le défaut de lumière est-il constaté dans une rue étroite ou en zone industrielle ?).
Il est pris en considération également la façon dont le trouble est perçu par le voisin victime de cette situation.
Le trouble anormal est donc considéré au cas par cas, et il est difficile de déterminer un réel seuil à partir duquel on considère un acte comme “anormal”. C’est au juge (s’il est saisi en cas de litige) de trancher et de décider si un acte est « anormal ». Tout peut dépendre de l’environnement et du contexte.
Qui peut être considéré comme un voisin ? Qui peut agir ?
Que vous soyez propriétaire, locataire, ou simplement un occupant du lieu, vous pouvez agir contre votre voisin.
Votre voisin peut être le propriétaire, mais également le locataire. Il est également admis que durant une période de travaux, le constructeur qui viendrait causer des troubles anormaux pouvait être tenu pour responsable de ceux-ci (l’architecte, l’entrepreneur, le sous-traitant de l’exécution d’une partie des travaux ,etc.). Néanmoins, on ne peut considérer comme des nuisances anormales les troubles inhérents aux travaux, comme des nuisances sonores ou encore la poussière. On parle dans ce cas de “voisin occasionnel” 2.
Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile prévoit un nouvel article 1244 au sein du Code civil, définissant la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage :« Le propriétaire, le locataire, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs, qui provoque un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, répond de plein droit du dommage résultant de ce trouble. Lorsqu’une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut cependant accorder des dommages et intérêts ou ordonner les mesures raisonnables permettant de faire cesser le trouble« . |
Les cas exclus des troubles anormaux du voisinage
Plusieurs situations ne vous permettent pas d’agir contre votre voisin sur le fondement des troubles anormaux du voisinage :
- Si vous vous êtes mis vous-mêmes dans cette situation de subir le trouble
- Si le trouble existait déjà avant votre installation vous ne pourrez pas agir 3 , sauf si ce trouble s’est aggravé (exemple: vous vous installez dans une maison à proximité d’une exploitation agricole. Vous ne pouvez pas demander réparation si le trouble causé par cette exploitation était déjà présent à votre arrivée (nuisances sonores, odorantes …). Toutefois, vous pourrez agir si ce trouble s’est accentué).
B) Comment agir
Il est conseillé dans un premier temps de vous rapprocher de votre voisin pour discuter avec lui du problème occasionné par son activité.
Il est toujours préférable de tenter de régler un litige par une procédure amiable. Vous pouvez par exemple faire appel à un conciliateur de justice.
Si votre tentative de règlement à l’amiable échoue, vous pouvez agir en justice. Il sera alors recommandé de faire appel au préalable à des professionnels qualifiés, pour vous éclairer au mieux sur les procédures judiciaires envisageables.
Le juge pourra vous accorder une indemnité pour réparer le dommage 4 que vous aurez subi, mais aussi contraindre l’auteur du trouble de le faire cesser.
II) L’abus du droit de propriété : l’utilisation de son droit pour nuire
Le droit de propriété n’est pas un droit absolu 5. Il ne permet pas tout.
On ne doit pas abuser de ce droit. Pour cette raison, nous définirons cet abus (A) puis nous préciserons les conditions à remplir pour que l’abus soit qualifié (B). Pour terminer, nous verrons comment le faire cesser (C).
A) Définition et exemples d’abus de droit
Tout abus peut être sanctionné. Un exemple célèbre de jurisprudence peut permettre de comprendre ce qu’est l’abus de droit, l’affaire Clément-Bayard 6 :
un homme avait acheté un terrain voisin d’une zone destinée à l’usage de dirigeables. Pour se venger de ses voisins, il avait érigé sur son propre terrain des pics, juste devant la piste, afin de gêner et de nuire à la zone de dirigeable.
En principe, cet homme a le droit d’ériger de tels pics sur sa propre propriété. Mais ici, il l’a fait uniquement dans le but de nuire à autrui. Il s’agit donc d’un abus du droit de propriété.
Il peut également s’agir, par exemple, de la construction d’une fausse cheminée, de la plantation d’un mur de végétations devant la fenêtre de votre voisin, etc.
B) Conditions à remplir pour constituer l’abus de droit
Plusieurs éléments seront pris en compte par le juge pour déterminer s’il y a eu un abus du droit de propriété :
- On va rechercher s’il y a eu une intention de nuire, dans la façon d’exercer ce droit de propriété (dans le cas cité précédemment, il voulait de manière non équivoque empêcher les dirigeables de se poser sur leur zone)
- On peut également rechercher s’il y a eu un détournement du but de départ (on dit qu’on fait un usage contraire à sa fonction sociale). Les juges utilisent la notion d’absence de satisfaction d’un intérêt légitime et sérieux (par exemple, construire une fausse cheminée).
Il s’agit donc d’une appréciation au cas par cas, c’est-à-dire in abstracto. On va rechercher si dans une situation donnée, il y a eu un abus, et s’il y a un lien de cause à conséquence entre cet abus et le dommage subi par le voisin.
Attention : L’abus de droit est écarté en cas de défense d’un propriétaire contre l’empiétement. Même si votre voisin empiète sur votre terrain de façon très minime, il ne pourra vous être reproché un abus de votre droit de propriété pour vous défendre contre cet empiétement 7.
C) Comment mettre fin à un abus de droit
Il est toujours préférable de tenter de régler un litige par une procédure amiable avec votre voisin. Vous pouvez par exemple faire appel à un conciliateur de justice.
Si votre tentative de règlement à l’amiable échoue, vous pouvez agir en justice. Il sera alors recommandé de faire appel au préalable à des professionnels du droit, pour vous éclairer au mieux sur les procédures judiciaires possibles. En effet, l’abus de droit entraîne la mise en oeuvre de la responsabilité de droit commun du voisin fautif.
Le juge pourra alors contraindre l’auteur à réparer le préjudice causé, en nature (par exemple, la démolition de la cheminée) ou en argent (obtenir des dommages-intérêts).
- Civ 3, 24 octobre 1990. ↩
- Civ 3, 22 Juin 2005. ↩
- L’article L112-16 du Code de la construction et de l’habitation définit les conditions de cette préoccupation : “Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions” . ↩
- Civ 3, 4 février 1971. ↩
- Article 544 du Code civil. ↩
- Cass, chambre des requêtes, 3 Août 1915, n°00-02378. ↩
- Civ 3, 7 Juin 1990, “la défense du droit de propriété contre l’empiètement ne saurait dégénérer en abus”. ↩
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