La séparation de corps est un étrange statut qui met fin au devoir de cohabitation inhérent au mariage sans dissoudre le lien matrimonial.
C’est la grande différence avec le divorce : Les époux ne vivent plus ensemble, et exercent un droit de garde et de visite sur leurs enfants tout en restant mariés.
De ce fait, chacun garde l’usage de l’autre époux et reste soumis à tous les autres devoirs du mariage que sont la loyauté, la fidélité et le devoir de secours.
Deuxième conséquence de la séparation de corps : Elle entraîne la séparation de biens entre les époux et de plus, si l’un des époux décède, l’autre gardera tous ses droits dans la succession.
La séparation de corps doit être clairement distinguée de la séparation de fait, cas dans lequel les époux décident en commun de vivre séparément. Cela est tout à fait possible car même si la communauté de vie est un devoir du mariage imposé par l’article 215 alinéa 1 du code civil, selon lequel « Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. », l’article 108 du code civil tempère ce principe en acceptant que « Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »
Ce qui fait la particularité de cette notion hybride, à mi-chemin entre le mariage et le divorce, est qu’elle doit être prononcée par le JAF .
La procédure
La demande initiale suit les mêmes règles et la même procédure qu’un divorce (article 296 et 298 du code civil).
Les époux doivent être assistés d’un avocat et la requête doit être déposée auprès du JAF du lieu de résidence des époux.
Si un époux est à l’initiative de la séparation, comme le pour divorce, elle peut être demandée pour rupture de la vie commune, pour faute ou pour acceptation sur le principe de la séparation. Si les deux époux sont d’accord pour se séparer de corps, ils pourront faire une requête conjointe. La séparation de corps sera prononcée par consentement mutuel.
Lors de l’audience, le juge va constater la séparation de corps et fixer une pension alimentaire à l’époux dans le besoin au titre du devoir de secours qui est un devoir du mariage.
Le JAF va ensuite rendre un jugement qui prononcera la séparation de corps et dans lequel il fixera le sort de l’attribution du logement, du droit de garde et de visite des enfants…
À savoir : Si les époux reprenaient vie commune, la séparation de corps prendra fin (article 305 du code civil). Mais, elle n’aura de valeur qu’entre les époux.
Tant que la reprise de la vie commune n’aura pas été constatée dans un acte notarié et ensuite retranscrite auprès de l’État civil, le jugement de séparation de corps sera inopposable aux tiers. Cela signifie qu’envers des créanciers, des bailleurs, l’administration … ils seront toujours considérés comme séparés de corps, même si les époux se sont remis à vivre ensemble.
Dans tous les cas la reprise de la vie commune ne modifiera pas le régime de séparation de biens sous lequel sont placés les époux. S’ils veulent en changer ils devront en faire la demande.
En l’absence de toute réconciliation, la séparation de corps est une période transitoire qui conduit bien souvent sur un divorce.
L’articulation de la séparation de corps avec les différents cas de divorce
Le jugement de séparation de corps sera converti de plein droit en jugement de divorce si la séparation s’est poursuivie pendant 2 années sans discontinuer (article 306 du code civil).
Ce sera un divorce par consentement mutuel si la séparation de corps a été prononcée par consentement mutuel (article 307 du code civil).
Parallélisme des formes oblige, les articles 1090 et 1132 du code de procédure civile, la séparation de corps par consentement mutuel sera convertie en divorce par consentement mutuel si la requête contient, outre le jugement de séparation, une convention signée des époux et de leurs avocats, portant règlement de tous les effets de la séparation.
L’articulation de la séparation de corps avec une demande reconventionnelle
Si un époux demande une séparation de corps, l’autre époux pourra lui opposer une demande reconventionnelle en divorce.
Si un époux demande le divorce, l’autre époux pourra lui opposer une demande reconventionnelle en séparation de corps.
Toutefois si la demande principale est un divorce pour altération définitive du lien conjugal, dans ce cas l’article 297 du code civil prévoit que la demande reconventionnelle ne peut être qu’un cas de divorce et non une séparation de corps.
En cas de demande simultanée de séparation de corps et de divorce, le juge doit examiner en premier lieu la demande de divorce. Cependant, selon l’article 297-1 du code civil, si les deux demandes sont fondées sur la faute, elles seront toutes les deux prises en compte par le juge qui prononcera le divorce aux torts partagés.
Dans tous les cas où les conditions de divorce ne seraient pas remplies, le juge prononcera une séparation de corps.
Observation : Mais alors, me direz-vous, quel est l’intérêt de se lancer dans une procédure de séparation de corps pour au bout de 2 ans entamer une procédure de divorce, alors qu’on aboutit au même résultat avec le divorce pour altération définitive du lien conjugal ?
Eh bien, depuis que le divorce n’est plus taxé d’infamie (comme il l’a été jusque dans les années 70 voire, 80), et mis à part des situations isolées (garder l’usage du nom du conjoint, convictions religieuses n’admettant pas le divorce…) aucun !
En fait, avant la réforme de 2004, le divorce pour altération du lien matrimonial ne pouvait être envisageable qu’au bout de 6 ans, alors que la séparation de corps pouvait être convertie en divorce au bout de « seulement » 3 ans.
En abaissant les délais de séparation de ces deux institutions à 2 ans, le législateur de 2004 a ôté tout intérêt à la séparation de corps, si ce n’ est d’officialiser tout en préparant en douceur la séparation des époux.