En principe, les époux gèrent ensemble le patrimoine commun, et chaque époux gère ses biens propres dans l’intérêt de la famille.
Cependant pour certains actes l’accord des deux époux sera requis et ce, quelque soit leur régime matrimonial.
Ainsi, qu’il s’agisse d’un bien propre ou commun, il faudra l’accord des deux époux pour vendre ou hypothéquer, un bien tel que le logement familial.
Mais il peut arriver qu’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté, voire qu’il prenne des décisions mettant en péril les intérêts de la famille, notamment s’il dilapide, dissipe, laisse dépérir ou détourne les biens communs ou ses biens propres.
Toutes les fois qu’un époux montrera des défaillances pouvant nuire à l’intérêt familial, son conjoint sera autorisé à passer des actes seul
Qui dit « intérêt de la famille » pense JAF, mais qui dit « hors d’état de manifester sa volonté » pense juge des tutelles. C’est la raison pour laquelle sera ce dernier, et non le JAF, qui sera compétent pour gérer ces situations de crises intra-familiales. Une compétence réaffirmée par le nouveau dispositif de protection des intérêts de la famille : l’habilitation familiale, instauré par l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015.
À savoir : Le JAF sera cependant compétent quand un époux refuse expressément de passer un acte et que son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. Dans ce cas, l’époux n’est pas hors d’état de manifester sa volonté, ne laisse pas ses biens à l’abandon, n’est pas absent… Il n’est pas défaillant, il refuse simplement de passer un acte en toute conscience.
Quand un blocage survient au sein du couple, plusieurs options sont envisageables. L’un des époux se verra attribuer le pouvoir d’agir seul en saisissant le juge des tutelles ou le Tribunal de Grande Instance.
Le juge des tutelles
Le régime de protection d’un majeur
Si un des époux est dans l’incapacité d’agir son conjoint peut saisir le juge des tutelles et être désigné tuteur pour son conjoint.
Il faut savoir que l’ouverture d’un régime de tutelle peut entraîner plus d’inconvénients que d’avantages pour le conjoint.
- Il doit rendre des comptes de sa gestion tous les ans au greffier en chef du tribunal d’Instance
- Les comptes joints des époux sont désolidarisés, les comptes bancaires des deux époux sont nettement séparés et les comptes de gestion clairement identifiés, ce qui oblige, si l’époux tuteur ne travaille pas, à faire plusieurs virements depuis le compte de son conjoint dont les ressources subviennent aux charges familiales pour équilibrer le budget.
De plus, suivant une stricte application du principe de subsidiarité, avant d’ouvrir un régime de tutelle il faut vérifier si le régime matrimonial « primaire » ne permet de préserver suffisamment les intérêts d’un majeur marié.
Le régime matrimonial « primaire » dit impératif qui s’impose à tous les époux, prévoit deux procédures distinctes définies aux articles 217 et 219 du code civil pour gérer ces situations de crises en accordant à un époux le pouvoir d’agir seul.
L’autorisation de justice de l’article 217 du code civil
S’il s’agit de passer un acte ponctuel pour lequel le consentement des deux époux est requis et que l’un d’entre eux ne peut, ou ne veut, pas donner son consentement, il vaut mieux demander au juge des tutelles une autorisation supplétive comme le prévoit l’article 217 alinéa 1er du code civil « Un époux peut être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de l’autre serait nécessaire si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié dans l’intérêt de la famille».
Dans ce cas, l’époux défaillant ne bénéficie pas d’un régime de protection, il est simplement représenté de manière ponctuelle par son conjoint pour passer un acte précis.
L’époux demandeur doit prouver par tous moyens qu’il se heurte à un refus non justifié. Il faudra donc produire à l’appui de la demande un certificat médical fait par tout médecin (il n’est pas nécessaire qu’il soit sur la liste établie par le procureur de la république).
C’est une procédure gracieuse, l’époux demandeur peut agir seul sans être assisté d’un avocat. Il devra présenter une requête dans laquelle seront précisées ses demandes au juge, l’acte qu’il envisage de passer (vente, location, hypothèque…).
Les deux parties, sauf avis médical contraire, sont convoquées et entendues par le juge pour un débat contradictoire.
Le juge des tutelles doit préciser dans sa décision l’acte pour lequel l’époux est autorisé. Le jugement, notifié par le greffe par courrier recommandée avec accusé de réception, est susceptible d’appel dans un délai de 15 jours.
L’appel se fait par courrier recommandé adressé au greffe des tutelles, le juge peut alors soit revenir sur sa décision soit, la maintenir et envoyer le recours à la cour d’appel avec le dossier.
Avec cette autorisation, l’époux pourra faire des actes de disposition (vendre un bien meuble ou immeuble…) qui seront opposables à l’époux défaillant. Même si ce dernier n’y a pas consenti, l’acte sera valable et ne pourra pas être remis en cause.
L’habilitation judiciaire de l’article 219 du code civil
L’article 219 alinéa 1er du code civil prévoit que si « l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial… ».
On considère que l’époux défaillant est empêché mais ne perd pas sa capacité juridique. Il s’agit généralement du cas où l’époux est hors d’état de manifester sa maladie du fait d’une longue maladie (mentale ou physique), d’un coma, d’une paralysie, d’une absence ou d’une disparition.
Son conjoint sera habilité par le juge des tutelles à passer plusieurs actes dans l’intérêt de la famille et lui permettre de gérer les biens communs du couple.
La procédure est gracieuse, l’époux peut saisir le juge des tutelles par requête, (seul ou assisté d’un avocat). Il devra produire à l’appui de sa demande un certificat médical et toutes les pièces établissant l’impossibilité de son conjoint de se manifester.
Les parties sont convoquées pour un débat contradictoire, sauf impossibilité médicale, et le jugement rendu sera susceptible d’appel dans les 15 jours de sa notification par le greffe des tutelles dans les mêmes conditions vues ci-dessus.
Cette situation est différente de la précédente car le juge accorde un mandat général à l’époux pour accomplir tous les actes d’administration de disposition nécessaires à la gestion des intérêts de la famille. Il a donc le pouvoir d’agir sur l’ensemble des biens propres ou communs.
Ainsi, suivant les règles du mandat régi par les articles 1900 ? du code civil, seul l’époux représenté est engagé. Cependant, en cas de faute, l’époux qui a passé les actes seul pourra voir sa responsabilité engagée.
L’époux pourra aussi être autorisé à agir seul par Tribunal de Grande Instance.
Le Tribunal de Grande Instance
Deux procédures distinctes permettant à un époux d’agir seul sont envisageables devant le Tribunal de Grande Instance, tout dépend du régime matrimonial des époux.
Les cas prévus par les articles 1426 et 1429 du code civil sont envisageables dans les cas ou un époux est « hors d’état de manifester sa volonté », mais aussi et surtout pour sanctionner le comportement de l’époux est fautif tel que : l’inaptitude à gérer des biens, qu’il s’agisse des siens ou de la communauté, la fraude, le détournement ou la dissipation des fruits que produit un bien (revenus d’un logement mis en location…), laisser dépérir des biens propres ou commun…
Régime de la communauté de biens
L’article 1426 du code civil prévoit que « Si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l’inaptitude ou la fraude, l’autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l’exercice de ses pouvoirs. (…) Le conjoint, ainsi habilité par justice, a les mêmes pouvoirs qu’aurait eus l’époux qu’il remplace ; il passe avec l’autorisation de justice les actes pour lesquels son consentement aurait été requis s’il n’y avait pas eu substitution. »
Régime de la séparation de biens
Selon l’article 1429 du code civil, « Si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu’il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d’administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l’article précédent. (…) À moins que la nomination d’un administrateur judiciaire n’apparaisse nécessaire, le jugement confère au conjoint demandeur le pouvoir d’administrer les propres de l’époux dessaisi, ainsi que d’en percevoir les fruits, qui devront être appliqués par lui aux charges du mariage et l’excédent employé au profit de la communauté. À compter de la demande, l’époux dessaisi ne peut disposer seul que de la nue-propriété de ses biens.»
Les articles 1426 et 1429 du code civil permettent à un époux dont le conjoint est hors d’état de manifester sa volonté de manière durable ou qu’il met les intérêts de la famille en péril, de lui être substitué afin d’exercer seul la gestion de son patrimoine.
Les différences avec l’autorisation de l’article 217 et de l’habilitation de l’article 219 du code civil
Les cas d’ouvertures
L’époux n’est pas dans le coma, ni absent… mais sujet à une inaptitude, un manque de discernement qui nuit tant aux intérêts de la famille qu’aux siens. Il peut s’agir d’une personne souffrant d’addictions (achats compulsifs, jeux, boissons, toxicomanies…), se trouvant sous l’emprise d’une personne, d’une secte… qui le poussent à engloutir ses revenus et ceux du ménage.
La représentation d’avocat
Même s’il s’agit d’une procédure gracieuse la représentation d’avocat est obligatoire devant le TGI.
Les limites du mandat
Le mandat donné ne permet que des actes d’administration des biens du conjoint défaillant et pas des actes de disposition. L’époux sera habilité à administrer et à recueillir les fruits (les revenus produits par les biens, tel que les loyers…) et à les affecter à la communauté, mais pas à vendre ni à hypothéquer les biens appartenant en propre ou commun avec l’époux défaillant.
La publicité de la décision
La demande sera publiée au répertoire civil et le jugement du TGI sera inscrit en marge de l’acte de naissance de l’époux défaillant.
La fin du dessaisissement
Il appartiendra à l’époux privé de pouvoir de demander en justice que ses droits soient rétablis ou leur restitution, en prouvant que leur transfert ou « la cause qui avait justifié son dessaisissement n’existe plus ».