Si vous cherchez un synonyme à « altération » vous trouverez, détérioration, dégradation, falsification, dénaturation…
Soit autant de termes signifiant que le mariage est sur la pente d’une longue agonie. Il faut insister sur « longue » car cette forme de divorce est soumise à une condition de délai : La communauté de vie doit avoir cessé depuis au moins deux années pour envisager cette forme de divorce.
Avant la réforme de 2004, ce type de divorce permettait de se séparer d’un conjoint dont les facultés mentales étaient altérées, mais cela s’effectuait dans des conditions draconiennes, non seulement il fallait être séparé depuis 6 ans, mais la demande pouvait être rejetée si le divorce entraînait une cause « d’exceptionnelle dureté » envers le conjoint. Désormais, il n’est plus fait référence à cette seule hypothèse. Quelle que soit la raison pour laquelle les époux ont cessé toute communauté de vie, si elle se poursuit sur deux années consécutives, chacun des époux pourra assigner son conjoint en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
La particularité de ce divorce est qu’il n’est pas fondé sur la faute mais sur « l’usure » de la vie de couple. Et ce, peu importe que cette séparation ait été décidée en commun, qu’elle ait été imposée par l’un des époux ou décidée judiciairement (la séparation de corps).
Les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Il faut remplir trois conditions cumulatives :
- Un élément matériel : L’absence de cohabitation
- Un élément intentionnel : La volonté de rompre avec son conjoint
- Un élément temporel : Une séparation de 2 ans minimum
L’intention de rompre pourra être déduite de l’absence de cohabitation entre les époux mais cette notion peut vite devenir équivoque. En effet, si selon l’article 215 alinéa 1 du code civil, « Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. », l’article 108 du code civil tempère ce principe en acceptant que « Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. ».
De même que si l’un des époux réside sur son lieu de travail qui est situé sur une ville différente du lieu de résidence familial, cela ne fera pas cesser la communauté de vie (cass. civ. 1ère, 12 février 2014, n°13-13.873).
Pour ce cas de divorce la cessation de communauté de vie pendant deux années continues est un critère important mais c’est surtout l’intention de rompre qu’il faudra prouver. Ces 3 conditions cumulatives pourront être prouvées par tous moyens.
La condition de délai sera supprimé si ce type de divorce est prononcé sur demande reconventionnelle quand la demande principale était fondée sur un divorce pour faute (articles 238 alinéa 2 et 246 du code civil).
A noter: La première phase du divorce suit les règles du tronc commun jusqu’à l’ONC, moment auquel la procédure de ce cas de divorce est à différencier des autres divorce contentieux.
La procédure après l’ONC
La cessation de vie commune durant deux années consécutives suffit à prononcer le divorce. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. Cette condition de délai doit avoir été remplie au moment de l’assignation en divorce. Ainsi, il sera possible de déposer la requête initiale et donc d’exercer la première phase du divorce dite « tronc commun » même si les deux années de séparation ne sont pas accomplies.
Si l’époux défendeur ne comparait pas à l’audience de divorce et que cette condition de délai de deux années dont se prévaudrait l’époux demandeur n’était pas remplie, le juge devra prononcer le divorce, car la loi ne lui permet pas de relever ce moyen d’office (article 1126 du code de procédure civile).
Les passerelles
À tout moment les époux pourront passer sur un divorce par consentement mutuel, il suffira d’élaborer une convention qui fera mention de cet accord et détaillera toutes les conséquences du divorce.
- Si la demande principale est un divorce pour faute et la demande reconventionnelle est fondée sur une altération définitive du lien conjugal: le divorce est prononcé de droit sans considération de la durée de séparation (articles 238 et 246 du code civil).
- C’est une question de bon sens. Le seul fait qu’il y ait eu, à l’origine, une demande de divorce pour faute suffit à lui seul à démontrer qu’il y a eu altération définitive du lien matrimonial.
- Si la demande principale est un divorce pour altération définitive du lien conjugal et que la demande reconventionnelle est fondée sur la séparation de corps, la passerelle sera impossible. L’article 297 du code civil prévoit expressément que seul une demande reconventionnelle en demande de divorce peut être opposée à une demande principale en altération définitive du lien conjugal.
La condamnation de l’époux à l’initiative du divorce au versement de dommages et intérêts
Le juge pourra accorder des dommages et intérêts à l’époux défendeur, si la dissolution du mariage entraînait pour lui des conséquences matérielles, morales ou psychologiques d’une particulière gravité (article 266 du code civil).
Le fait d’être quitté par son époux, pour une femme, bien plus jeune, après 39 ans de mariage n’est pas constitutif d’une particulière gravité (Cass. civ. 1, 1er juillet 2009, n° 08-17.825). De même que les fautes constatées au cours de l’union ne seront pas prises en compte pour le versement de ce type de dommages et intérêts.
Ainsi, peu importe que l’époux demandeur ait commis un adultère, ou ait eu une attitude vexatoire envers son ex épouse en la dépossédant de toutes ses fonctions au sein de l’entreprise (appartenant à son époux) au profit d’une collaboratrice … plus jeune ! (Civ 1ère du 15 avril 2015, n°14-11.575), car la faute constitutive d’une particulière gravité est appréciée au regard des conséquences de la dissolution du mariage et pas en fonction de l’attitude de l’époux au cours du mariage. D’autant qu’en matière de divorce de telles fautes sont déjà sanctionnées quand le divorce à été prononcé aux torts exclusifs de l’époux fautif (Non bis in idem : Il ne peut être puni deux fois pour les mêmes fautes !).
Les fautes distinctes des conditions de la rupture pourront être sanctionnées sur le fondement de l’article 1382 du code civil, c’est la responsabilité du droit commun.
À noter cependant une décision, certes isolée, mais qui allait à l’encontre de ce raisonnement puisque les juges ont condamné au visa de l’article 266 du code civil une mère au paiement de dommages et intérêts pour avoir quitté le domicile en laissant à la charge de son conjoint, qui avait abandonné sa carrière professionnelle pour s’occuper de leurs enfants dont l’un était atteint de troubles de la personnalité, alors que ces faits jugés fautifs s’étaient produits au cours de leur vie de couple et n’étaient pas la conséquence de la rupture. Il en aurait été différemment si le départ de l’épouse avait obligé le père à abandonner son travail pour s’occuper des enfants. (Cass, civ, 1ère du 12 septembre 2012, n°11-12.140).
En matière de fautes, il est souvent fait état de convictions religieuses profondes par des personnes de confession catholique pour lesquelles, le mariage étant indissoluble, les conséquences de la rupture seraient susceptibles d’entraîner une souffrance morale d’une particulière gravité. Il appartiendra au demandeur de démontrer l’existence d’une foi religieuse dont les éléments de preuves sont laissés à la l’appréciation souveraine des juges du fond. (pour une décision de rejet, Cass, civ, 1ère du 6 juin 2012, n°11-21.184).
Concernant les dépens, le juge pourra les mettre à la charge de l’époux qui a pris l’initiative du divorce sauf s’il en dispose autrement (article 1127 du code de procédure civile).
Les voies de recours
Le jugement de divorce est susceptible d’appel dans le mois suivant sa signification. L’appel est suspensif pour ce qui relève du prononcé ou du rejet du divorce, mais pas pour les mesures relatives à la famille (pension alimentaire, autorité parentale, domicile…) qui elles, continueront de s’appliquer durant l’exercice des voies de recours.
Il sera également possible de former un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la décision d’appel. Mais seule l’application du droit sera vérifiée par les juges de cassation. Ils ne reviendront pas sur les faits.