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L’AGRASC : saisir les biens des délinquants

Logo de l'AGRASC, indiquant « Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués » en français, avec une ligne dégradée bleue et rouge au-dessus.

L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), créée en février 2011, vient de fêter son dixième anniversaire. Chaque année, elle s’occupe de confisquer et de revendre des milliers de biens responsables ou issues d’activités frauduleuses. Le produit de leur revente est redistribué à l’Etat ou pour des activités de prévention. Bilan d’un établissement public à l’activité fructueuse.

Voitures de sport, appartements, avions, lingots d’or… La liste de ce que saisit l’Agrasc chaque année est longue. Mais au 98 rue de Richelieu à Paris, siège de l’Agence, rien de tout cela : « Les biens restent dans les juridictions ou chez des gardiens privés » explique Etienne Donat, chargé de la communication. « On peut saisir de tout » comptes bancaires, biens immobiliers, animaux… « Tout est ce qui est valorisable est saisissable » explique-t-il. « On a déjà eu des saisies étonnantes, des chouchous ou des trousses Hello Kitty. Cette année, on a saisi des vaches ».

Des biens de toutes les natures

Méconnue du public, l’Agrasc est placée sous la double tutelle du Ministère de la Justice et du Ministère des Comptes Publics. Elle réunit « des magistrats, des directeurs de greffes, des greffiers, des policiers, des gendarmes enquêteurs, et des personnes des finances publiques. » En plus de gérer la saisie des biens, elle s’occupe aussi de leur revente.

Les biens meubles (tout en dehors des bâtiments) peuvent être saisis et vendus, via internet ou des ventes physiques aux enchères, avant même le jugement de l’accusé. Le but est notamment d’éviter la perte de valeur des objets. « Les temps d’enquête peuvent durer cinq à dix ans, et le risque est que la voiture saisie, qui ne vaut déjà pas grand chose, perde de sa valeur alors qu’elle nous aura coûté, en parking et en entretien » précise Etienne Donat. Si l’accusé est acquitté, il peut récupérer le montant du bien vendu, sous certaines conditions (s’il a des dettes envers l’Etat par exemple, elles sont réglées avec le montant). Les biens immeubles, eux, ne peuvent être mis à la vente qu’après le procès, afin de respecter le droit de propriété.

Ces opérations, au-delà de l’aspect symbolique de la saisie, permettent la création « d’un cercle vertueux » selon l’Agrasc : les montants récupérés sont redistribués, notamment au budget de l’Etat, ou comme dommages-intérêts aux parties civiles. Mais dans certains dossiers, comme ceux impliquant des trafics de drogue par exemple, des fonds dédiés à la prévention sont prévus. En 2019, 22,9 millions d’euros ont été versés à la Mildeca, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, “pour financer des projets ou des campagnes de prévention.””On prive le délinquant de ses revenus et on renforce l’autorité de l’Etat puisqu’il y a une redistribution.

Un go fast (véhicule qui sert à transporter de la drogue) peut être affecté à la brigade de recherche et d’intervention” résume le directeur de l’Agrasc Nicolas Bessone dans une interview pour Europe 1. Dans les affaires de proxénétisme ou de traite d’être humains, un “fonds de proxénétisme” a été mis en place, qui bénéficie ensuite à des associations de prévention. “On a versé deux millions d’euros en 2020, avec lesquels il est prévu de créer des places d’hébergement d’urgence pour les personnes souhaitant sortir de la prostitution, et des actions de réinsertion professionnelle” souligne Etienne Donat.

Une activité accrue

En dix ans, l’activité de l’Agrasc s’est considérablement accrue : en 2019, le montant des confiscations caracolait à plus de 253 millions d’euros, une hausse de 600 % vis-à-vis de 2018. Le résultat d’une meilleure valorisation des biens vendus. « On est passé de 11 agents en 2011, à une soixantaine en 2021 » déclare Etienne Donat. L’établissement prévoit même la mise en place d’extensions locales en 2021 : « En novembre 2019, un rapport parlementaire a constaté que l’Agrasc fonctionne très bien.

L’idée était donc de créer seize antennes régionales, encore plus proches des juridictions. Deux d’entre elles, à Lyon et à Marseille, vont être expérimentées dès le 1er mars. » En plus d’une hausse de l’activité, l’Agrasc doit aussi faire face à l’émergence de nouveaux biens à saisir, dont la gestion est parfois compliquée : « les monnaies virtuelles sont un nouveau sujet pour nous » souligne Etienne Donat. « C’est quelque chose qui était très peu pratiqué avant, et avec les bitcoins, considérés comme des biens meubles, la question de quand les vendre se pose. On peut vendre avant jugement si la valeur risque de se déprécier, mais la valeur des bitcoins évolue tout le temps. »

La peine de confiscation, qui est complémentaire de la peine principale, est de plus en plus prononcée : en 2019, l’Agrasc a enregistré 20 696 affaires, soit 1418 de plus que l’année précédente. Le résultat d’une meilleure organisation de la peine de confiscation « incertaine et peu homogène en France » avant 2010, mais aussi d’une formation accrue des magistrats, selon l’établissement. Les accusés, eux, y sont très sensibles : « De plus en plus de délinquants font appel non pas pour la peine de prison, mais pour la peine de confiscation. » En 2019, plus de 1700 demandes de restitution avaient été prononcées, soit 54 % de plus qu’en 2018. Les mainlevées de saisies pénales immobilières, elles, ont aussi augmenté (319 en 2019 contre 120 en 2018).

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