Quand la justice essaie d’éviter l’incarcération des mineurs
Pour les mineurs en difficulté, la justice a pour priorité d’éviter la récidive et de protéger les jeunes. Pour cela, elle peut décider de mesures d’accompagnement, notamment à travers la Protection judiciaire de la jeunesse.
En France, près d’une affaire pénale sur dix implique des mineurs. Autant de cas difficiles, ou les défis éducatifs se mêlent douloureusement aux impératifs judiciaires. Dans ces cas-là, les mineurs sont confiés à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Cette branche du ministère de la Justice est chargée d’accompagner les jeunes et d’appliquer les décisions des tribunaux.
La PJJ prend en charge les mineurs de plus de treize ans, dès leur mise en examen. Elle les accompagne jusqu’à leur procès, et au-delà, parfois après leur majorité. Elle a une mission principale : prendre en charge les mineurs pour rendre les décisions de justice constructive, les inscrire dans une démarche d’accompagnement. “La protection Judiciaire de la Jeunesse n’a pas d’aspect punitif.
Quand un juge ordonne une mesure à l’encontre du jeune, ce n’est pas pour punir, c’est pour l’accompagner, pour essayer qu’il ne récidive pas“, estime Maitre Irène Durier, avocate au barreau de Bobigny, spécialisée dans les questions de l’enfance.
Pour assurer sa mission, la Protection Judiciaire de la Jeunesse doit respecter un équilibre délicat : appliquer les décisions du juge, qui peuvent être punitives, tout en œuvrant pour la protection des mineurs. « Ils essayent de faire de l’éducatif avec le jeune et de l’épauler dans ses projets d’insertion, professionnels et sociaux, pour qu’il développe un projet et qu’il puisse se remettre sur les rails. Ce n’est pas à eux que revient l’aspect punitif », insiste Maitre Irène Durier.
En famille, en milieu ouvert ou isolés
Dans les cas qui l’exigent, la PJJ doit faire coïncider l’accompagnement des jeunes à la fermeté ; prendre garde à ne pas tomber dans ce que ses détracteurs qualifieraient d’indulgence permissive. C’est une exigence difficile, d’autant plus lorsque les jeunes en question sont les victimes d’une histoire personnelle dramatique.
« La majorité des cas, ce sont des situations familiales très compliquées, le plus souvent monoparentales », raconte Samir, éducateur pour la PJJ en Île-de-France. « Il faut leur donner un cadre. Je préfère être celui qui lui dit que je suis là pour défendre la justice, plutôt que celui qui permet tout. Ça me rend dingue la complaisance », ajoute-t-il.
Pour assurer sa mission la PJJ dispose de plusieurs dispositifs. Elle peut mettre en place un accompagnement en « milieu ouvert ».
Plus concrètement, le mineur n’est pas séparé de sa famille, et de son environnement habituel ; il est confié à un éducateur qui s’efforce de l’extraire de la spirale de la délinquance « Je vais faire du sport avec eux, je rencontre leurs familles, je leur fais passer le permis, je les encourage à aller voir des conseillers d’orientation, à aller à la mission locale », détaille Samir.
Dans les où cet accompagnement a lieu entre la mise en examen et le procès, les éducateurs sont sollicités par le juge pour prendre sa décision finale. « Selon les juges, on peut vraiment avoir un impact sur leur jugement », considère Samir. « Si on lui explique que le jeune n’est jamais venu aux rendez-vous et qu’il est indifférent, ça peut faire un très mauvais effet ».
Parfois l’incarcération est inévitable
Pour les mineurs en grande difficulté, la PJJ peut exécuter des mesures de placement. Selon la gravité du délit ils sont placés dans des foyers, des centres éducatifs fermés (CEF), ou des centres éducatifs renforcés (CER). C’est l’ultime étape pour faire combiner l’application de la justice à la protection des mineurs. C’est la dernière solution pour éviter l’incarcération, une décision prise en fonction du profil du jeune, dans le soucis de leur éviter la récidive. « Les CER et les CEF c’est pour éviter de les mettre en détention quand ils ont besoin de protection judiciaire et d’un encadrement plus sévère que l’encadrement familial. C’est un encadrement plus strict », explique maître Irène Durier.
Dans certains cas, la PJJ ne peut pas empêcher l’incarcération. C’est une entorse à sa vocation protectrice, une plongée dans l’univers carcéral, avec tous les risques qu’il comporte. « C’est des jeunes dont la vie est vide de sens. La détention apporte encore plus de vide au vide », constate amèrement Samir. En cas d’incarcération, les défis à relever pour éviter que les mineurs ne sombrent dans la délinquance et récidives sont immenses. Et la mission de la PJJ plus délicate que jamais. « Un jeune à 14 ans doit encore se construire. Là, il se construit en prison, dans la majorité des cas, ça aggrave le problème », se désole Samir.